08 Sep 2016
871 times
Avec le décès de Bara Diouf dans la nuit du mardi à mercredi, à son domicile, sur l’avenue Roosevelt, c’est un monument de la presse sénégalaise voire africaine qui s’effondre. L’homme qui vient de nous quitter est un pionnier de la presse écrite. Il fait partie de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire médiatique sénégalaise.
Décédé à l’âge de 89 ans, Bara Diouf est né en 1927 au 3 rue Kléber à Dakar, dans le quartier chic du Plateau. C’est à l’école de la rue de Thiong devenue Mame Yacine Diagne qu’il fera ses premières humanités. Il aimait à rappeler que c’est dans cet établissement qu’il a connu le 3ème président de la République, Me Abdoulaye Wade et d’éminentes personnalités sénégalaises, africaines et françaises.
Admis à l’entrée en 6ème, il tente d’abord une carrière de technicien en intégrant le Lycée Maurice Delafosse. Par la suite, il rejoint ses parents installés à Abidjan avant de poursuivre ses études en classe de seconde. D’Abidjan, Bara Diouf entra en France pour étudier au célèbre Lycée Voltaire, au 100 avenue de la République, à Paris. Des études qui seront sanctionnées par un baccalauréat de la série A. Très tôt intellectuel, il entra à l’école de la rue de Louvre pour une formation en journalisme ensuite à l’école de journalisme de Strasbourg. Auparavant, Bara Diouf a eu un parcours professionnel en intégrant la direction des Postes, télégrammes et téléphones de la période coloniale (Ptt) où il fut Contrôleur des Ptt. Il choisit par la suite le journalisme, car il aimait lire et discuter sur des sujets d’actualité. Embauché au grand journal parisien de Gauche « Le Monde » en 1958, il fera son retour au pays qui venait d’être indépendant comme plusieurs cadres de sa génération dont feu Boubacar Obèye, son ami, premier ministre de l’Information du Sénégal. Avec son talent, il sera le premier directeur de l’Agence de presse sénégalaise succédant à un français puis directeur de l’Information en 1965. Lorsque le président Senghor décida de mettre en place le premier quotidien national pour remplacer Dakar-Matin qui avait pris auparavant le relais de Paris-Dakar, Bara Diouf avec d’autres Sénégalais dont les Abdoulaye Ndiaye Baudin, Emile James, Abdou Salam Kane Asak, Aly Kheury Ndaw, Mamadou Seyni Mbengue, Pascal Antoine Sané, Aly Dioum premier directeur de publication du Soleil (tous devenus ambassadeurs par la suite), Serigne Aly Cissé, etc., débutèrent le journal si cher au poète-président. Nous étions en mai 1970 sur la rue Thiers devenue El Hadji Amadou Assane Ndoye, à côté des résidences de l’ambassade de France, au Sénégal. Au départ d’Aly Dioum promis ambassadeur, Bara Diouf continue l’aventure en dirigeant le Soleil. Par la suite, il cumula le poste de directeur général, directeur de publication et directeur des Nouvelles imprimeries du Sénégal (Nis) alors que l’inspecteur du Trésor Malick Fall, un des conseillers de Babacar Bâ, alors ministre des Finances et des Affaires économiques, était le président du Conseil d’administration. A l’époque, André Gayot représentait la France. Avec la sénégalisation de la Sspp Le Soleil, Bara devient le premier Pdg du Groupe jusqu’à son départ en mai 1988. Admis à la retraite, il fut élu député, membre du bureau de l’Assemblée nationale de 1988 à 1993. Ancien membre du Bureau politique de l’Ups sous Senghor puis du Ps sous Abdou Diouf, Bara Diouf a longtemps milité à la section du Plateau dans la première coordination dirigée par Lamine Diack. Toujours, au plan politique, il fut membre de la Fédération des étudiants noirs en France (Feanf). Il fut membre du Club nation et développement (Cnd) créé par des cadres sénégalais dont son président Babacar Bâ pour réfléchir sur les politiques de l’Etat. Au plan international, Bara Diouf fut membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer en 1990. Il est aussi titulaire de plusieurs décorations dans les Ordres nationaux sénégalais et étrangers dont la Légion d’Honneur et l’Ordre « Al Merito Della República Italiano » en 1991.
Au plan professionnel, il a beaucoup voyagé sous les présidents Senghor et Diouf et a été un grand témoin d’événements qui se sont produits aux quatre coins du monde. A son épouse, Fatim, à ses enfants, la rédaction du Soleil présente ses vives condoléances.
El hadji Abdoulaye THIAM
Un géant est tombé. Nous étions très proches. En dehors du Soleil, nous passions les week-ends à faire des promenades dans les rues de Dakar plateau qui ont marqué son enfance. Il a fréquenté l’école de Thionk en même temps que le président Abdoulaye Wade. Il y est sorti major à l’entrée en sixième dans toute l’Afrique occidentale française (Aof). Logiquement, il aurait dû être orienté au lycée Van Vollenhoven, actuel lycée Lamine Gueye, mais par mesure discriminatoire, il a été orienté au lycée Maurice Delafosse. Nous allions aussi souvent au restaurant avec sa femme et sa fille. Bara Diouf est un grand Monsieur, un monument de la presse. Il était beaucoup apprécié à l’étranger. Au cours de mes deux derniers voyages à Brazzaville, le président Denis Sassou Nguessou n’arrêtait pas de me demander de ses nouvelles. Lorsque je lui disais que Bara est à la retraite, il me répondait : « Pourquoi le mettre à la retraite ? » C’est la même chose avec le couturier Daniel Hechter qui est son grand fan. Bara Diouf était un homme du monde, un journaliste talentueux. On l’aime ou on ne l’aime pas, il ne laissait personne indifférent. J’éprouve aujourd’hui beaucoup de regret. Je pense que Bara Diouf devait écrire ses mémoires parce qu’il avait beaucoup de choses à dire. Il a été témoin d’une grande partie de notre histoire. On a perdu un témoin et acteur privilégié de l’histoire moderne du Sénégal.
TEMOIGNAGES… TEMOIGNAGES…
Mbagnick Ndiaye regrette la disparition d’un homme de valeur
A l’annonce du décès, hier, de l’ancien Président directeur général du Quotidien national « Le Soleil », Bara Diouf, le ministre de la Culture et de la Communication a regretté la disparition d’un homme de principe et de valeur. D’après Mbagnick Ndiaye, le Sénégal vient de perdre un grand intellectuel. « C’est avec une grande peine que j’ai appris le rappel à Dieu de Monsieur Bara Diouf, journaliste émérite. Il a marqué d’une empreinte indélébile le paysage médiatique sénégalais et africain. Fondateur du quotidien national « Le Soleil » où il a formé et encadré des générations de journalistes sénégalais et africains, Bara Diouf s’est illustré par ses éditoriaux de haute facture, par son style savoureux et ses analyses pertinentes », a déclaré le ministre de la Culture dans un communiqué reçu à la rédaction. Pour M. Ndiaye, Bara Diouf aura marqué de son empreinte le journalisme sénégalais dont il fut l’une des figures de proue. « En cette douloureuse circonstance, le Gouvernement lui rend un hommage mérité. Le président de la République, le Premier ministre, ainsi que l’ensemble du Gouvernement présentent à sa famille, sa veuve, ses enfants et à l’ensemble des journalistes, leurs très sincères condoléances », a-t-il ajouté. La trajectoire de Bara Diouf reste indissociablement liée à l’histoire du quotidien national « Le Soleil ».
Ibrahima BA
Bouna Semou Diouf, ancien ambassadeur : « Une grande perte pour la presse »
« J’ai connu Bara Diouf en 1970 quand j’étais jeune diplomate en fonction à Lagos alors capitale du Nigeria où il était venu vivre temporairement auprès de son frère Pape Diouf, haut fonctionnaire au bureau scientifique de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua). Par la suite, notre amitié s’est renforcée par le biais de ma cousine feu Me Mame Bassine Niang. C’est une grande perte pour la presse et tout le pays ».
Amadou Fall, ancien directeur des rédactions et conseiller spécial du Dg : « Il aidait les autres à se construire »
« Quand je suis arrivé au quotidien national Le Soleil, dans les années quatre-vingts, avec un niveau d’étude supérieur à la moyenne de l’époque, il m’a fait débuter la carrière au bas de l’échelle, comme reporter, en me disant que je ne le regretterais pas. Et il a eu raison. Bara Diouf est de ces visionnaires affectueux mais rigoureux qui aident les autres à se construire, en toute modestie, en ne se faisant valoir que par la qualité du travail qu’ils accomplissent avec abnégation. Je suis en cela redevable à ce grand Monsieur, qui fut sémillant, aimable et altruiste ».
Cheikh Tidiane Fall, ancien directeur de la communication de la Sde : « L’élégance dans le port et la plume »
« Je retiendrai surtout de Bara Diouf un journaliste qui impressionnait par la qualité de sa plume et sa forte personnalité. On pouvait ne pas partager ses positions, notamment en faveur du pouvoir de Senghor puis de Diouf, mais impossible de ne pas reconnaître le courage et le talent avec lesquels il les défendait. Comme le faisaient aussi sous d’autres cieux ses amis l’Ivoirien Laurent Dona Fologo (Fraternité Matin), le Marocain Moulay Ahmed Alaoui (Le Matin du Sahara), le Zaïrois Tsimpumpu Wa Tsimpumpu, au temps d’une certaine forme de journalisme militant. Les jeunes journalistes de même que ceux de la même génération admiraient cet homme à la mise toujours bien soignée et qui ne laissait personne indifférent par ses écrits bien ciselés. Un vrai patron de presse au sens noble du terme. Respect. Reposes en paix BD !
Sada Kane, ancien journaliste à la Rts : « Un gentleman de la presse écrite »
« Je l’ai connu quand j’avais 24 ans alors qu’il était Rédacteur en chef du Soleil. Je me suis présenté à lui et il m’avait offert mon premier stage professionnel. Avec Lune Taal, Jacques Habib Sy, nous avions lancé un journal par la suite fermé. Et quand nous sommes venus voir Bara, il y avait des anciens pour l’encadrement comme Abdou Salam Kane Asak, Emile James, Gabriel Jacques Gomis, Aly Kheury Ndaw, etc. L’homme avait beaucoup de qualité et je me rappelle quand il venait tard le soir pour faire son éditorial dès qu’il prenait le beefteck (la feuille) pour démarrer son texte il ne s’arrêtait qu’à la fin du texte. Il aidait les jeunes journalistes à s’affirmer. C’est un gentleman de la presse écrite qui s’en est allé ». Recueillis par El. H. A. THIAM
« Je suis vraiment choqué en apprenant le décès du doyen Bara Diouf. J’étais très proche lui. Après notre formation universitaire en France, au Canada et aux Etats-Unis, c’est lui qui nous a accueillis les bras ouvert et a parfait notre formation sur le terrain. En journalisme, la formation livresque et universitaire ne sert à rien si tu n’aborde pas très bien le terrain. C’est lui qui nous a appris cela. Je l’appelais le chevalier de la plume. Il était un éditorialiste de talent, de renom, d’une grande probité morale. Son écriture était saine et belle. Dans les années 70-80, on le comparait à Mohamed Heykal, un éditorialiste du journal égyptien Al Haram.
l est d’une grande générosité parce qu’il était aussi un pédagogue et un formateur. Le doyen Bara Diouf nous formait à travers des exemples et des conseils. Nous sommes les premières générations de journalistes sortis des universités. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons trouvé sur place des journalistes formés sur le tas qui avaient les places d’honneur dans la rédaction. Mais le doyen Bara Diouf a joué avec ça pour nous mettre dans des postes de décisions. J’ai été nommé rédacteur en chef avoir d’avoir 30 ans. Le doyen Bara Diouf était un gars qui écrivait merveilleusement bien. Il avait une connaissance pointue de la société sénégalaise.
Toutes ces choses là sont aujourd’hui négligées. Quand quelqu’un écrit sur le Sénégal, il doit connaître le pays en profondeur dans toutes ses composantes, ses traditions, ses faiblesses et ses forces. Bara Diouf aura marqué d’un sceau indélébile la presse sénégalaise. On ne l’oubliera jamais. Bara Diouf, c’est un soleil qui ne se couche pas.»
Fatou Déme Gaye, première sécretaire de Bara Diouf : « Un homme d’une simplicité rare »
« Je suis la première secrétaire de Bara Diouf en 1971. Je venais de sortir fraîchement de l’école. Mais c’est Mme Lopez qui a plus duré à ses côtés. A l’époque, Le Soleil se trouvait à la rue Thiers (Ndlr : l’actuelle rue Amadou Assane Ndoye) avant d’être déplacé en 1972 au Service géographique de Hann. Même après mon départ de la direction générale pour rejoindre la rédaction, j’ai continué à assurer l’intérim en l’absence de Mme Lopez. Bara Diouf était un homme d’une simplicité rare. Tu peux même penser qu’il n’est pas le Président directeur général si tu ne le connais pas. Tellement il était relaxe. Il était aussi un homme humble et généreux qui ne voulait de mal à personne. J’avais plus d’attachement à lui qu’à mes frères. Bara Diouf était un patron exemplaire. Il ne nous a jamais montré un autre visage. Il n’y a même pas dix jours de cela, un Libanais m’a interpellé dans la rue pour me le demander. C’est pour vous dire l’amour que les gens lui vouaient ».
Enestina Fatima Lopez, sécretaire de Bara Diouf de 71 à 88 : « Un homme bon, généreux, intègre, franc, fraternel »
« J’ai travaillé avec M. Bara Diouf de 1971 à 1988, année de son élection comme député à l’Assemblée nationale. Je suis entrée très jeune au Soleil un jour du mois d’août 1971. J’étais un peu hésitante au début, mais j’ai très vite pris mes repères. Bara Diouf savait mettre les gens en confiance et à l’aise. Il était un homme bon, généreux, intègre, franc, fraternel. Je ne regrette pas d’avoir collaboré avec lui pendant 18 ans. Sur le plan professionnel, M. Bara Diouf était un journaliste de haut niveau qui n’avait rien à envier aux grands journalistes du monde. Il avait d’ailleurs beaucoup d’amis à l’international. Je suis aujourd’hui peinée. J’ai perdu ma mère qui avait cinq ans de différence d’âge avec Bara Diouf l’année dernière, mais on ne s’habitue jamais à la mort. Bara Diouf a essuyé toutes les invectives de l’opposition à l’époque pour imposer Le Soleil qui a une ligne éditoriale pro-gouvernementale. C’est lui qui a porté Le Soleil là où il est aujourd’hui. Il nourrissait beaucoup d’amour pour le quotidien national. Bara Diouf a été le premier à vouloir racheter l’Agence de distribution de presse (Adp).
El Bachir Sow, ancien coordonnateur général des rédactions du Soleil : « Un journaliste parmi les journalistes »
« Parler de Bara Diouf au moment où il est rappelé à Dieu, c’est souligner à nouveau les qualités qui en ont fait, des décennies durant, un bon journaliste au-delà des nombreuses responsabilités professionnelles, politiques, etc. qui ont été les siennes. Son français était limpide, ses textes engagés et agréables à lire. Beaucoup de lecteurs du journal Le Soleil les lisaient parce qu’ils savaient qu’il lui arrivait, à travers ses éditoriaux, de dire avec brio et élégance ce que pensait le chef de l’Etat. Bara parlait au Sénégal, à l’Afrique, au monde à travers ses éditoriaux. Il ne cessait d’inviter les journalistes du quotidien « Le Soleil » d’en faire de même. Avec lui, le journalisme est une ambition pour contribuer à la transformation du Sénégal, de l’Afrique et du monde.
En homme cultivé, au carnet d’adresses exceptionnel, il invitait régulièrement, en fin d’après-midi, à la réunion de rédaction, des artistes, des hommes politiques, des hommes de finances, des écrivains, des diplomates de tous les pays du monde. Il était curieux et humble comme tout bon journaliste. Il lui arrivait de demander à des membres de la rédaction de relire ses textes. Il discutait avec ses jeunes confrères pour se nourrir de leurs idées, de leur enthousiasme, de leur indignation et, parfois aussi, de leurs révoltes. Le socialiste qu’il était savait tenir compte des autres sensibilités qui s’exprimaient au sein de sa rédaction. Ce débat, les colonnes du Soleil ne le reflétait pas, mais c’était une autre époque pendant laquelle le Sénégal cherchait à affirmer une nation et à construire des institutions solides. Bara en était un des témoins et acteurs clés ».
C’était il y a 37 ans. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je venais juste d’être recruté au Soleil en avril 1979. Après m’avoir mis en observation pendant trois mois, sans que je ne le sache, Bara Diouf décida, un jour, à ma grande surprise et, sans doute, à la surprise générale, de m’envoyer en mission pour accompagner le président Léopold Sédar Senghor, dans l’une de ses dernières tournées dans les pays de la sous-région. Le jeune garçon que j’étais se souvient encore de cet épisode de sa carrière. Je ne l’oublierai jamais.
Ce geste symbolise la grandeur d’âme et la générosité de cet éminent dirigeant qui savait faire confiance aux jeunes et leur donner la chance d’exprimer leurs talents. Je lui en serai éternellement reconnaissant. Sorti du CESTI avec ma fougue et mon enthousiasme, je caressais l’espoir, comme certains de mes camarades, de poursuivre mon apprentissage pratique du métier de journaliste à l’ombre de mes anciens, les doyens Gabriel Jacques Gomis, Aly Kheury Ndao, Serigne Aly Cissé, Moctar Kébé et autres.
Journalistes chevronnés, rompus aux arcannes d’une profession qui, bien qu’étant à ses balbutiements, n’en était pas moins pourvue de journalistes talentueux, perspicaces et d’une finesse d’esprit à toute épreuve, ces messieurs savaient inculquer la pédagogie de l’exemple.
Ils avaient fait du Soleil une école de haute maîtrise de la pratique journalistique et du quotidien un espace d’expression de talents sur des questions aussi sensibles que celles touchant à la vie de la nation dans toutes ses composantes. Dialecticiens, débatteurs hors pairs, ils étaient tous maîtres de leur art.
En fait, ces journalistes formaient un orchestre dont la symphonie était dirigée par un certain Bara Diouf. Par son verbe haut, sa plume alerte, son discours tranchant qui ne souffrait d’aucune équivoque quant à l’orientation de sa pensée et la conviction de ses idées, Bara était un homme de débat, un homme de dialogue.
Président Directeur Général du Soleil, dès les premières heures de l’indépendance, l’homme s’était affiché senghorien jusqu’à la moelle des os. Tout en lui respirait Senghor : le discours, les références, les orientations, bref, la pensée. Il puisait dans les mêmes sources que le poète président, tirant ses arguments de la négritude et du dialogue des cultures qui préfigure la civilisation de l’universel. Bara était plus qu’un disciple de Senghor, il était son fils spirituel, celui qui mangeait dans le même bol et buvait dans la même tasse que son mentor. Au Soleil, nous avions la chance d’avoir en Bara la passerelle qui nous permettait de décoder les messages à transmettre à l’opinion et de décrypter les actes posés par le pouvoir.
L’homme avait le courage de ses idées et la conviction de ses opinions. Il les a défendues envers et contre tous, quotidiennement, à travers les colonnes du Soleil.
Il invitait au dialogue plus qu’à la confrontation, à la convergence des pensées plus qu’à la pensée unique. Il savait certes qu’il n’avait pas toujours l’unanimité avec lui, mais il savait prendre l’opinion à témoin en convoquant et l’histoire et les convenances du moment.
Les éditoriaux de Bara Diouf confortaient et réconfortaient ses partisans politiques et idéologiques plus qu’ils n’irritaient ses adversaires les plus coriaces tant il savait convaincre par la dextérité de sa plume, la profondeur de ses arguments, la finesse de sa pensée. Il ne laissait personne indifférent.
Son engagement politique ne faisait pas entrave à son professionnalisme et les éditos qu’il assumait, avec force conviction, étaient, pour lui, des prises de positions personnelles.
Bara était, en plus, une source intarissable de sagesse, un homme d’une culture incommensurable qui, toute sa vie, a cherché à partager, à former et à formater ses jeunes confrères.
Ahmadou Hampathé Ba a bien raison de dire qu’en Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle. Ce message posthume est un viatique pour les jeunes générations de journalistes qui doivent s’inspirer de l’exemple de Bara Diouf. Un exemple qui se résume à un seul mot : CONVICTION.
Dors en paix doyen. Que la reconnaissance de vos cadets vous accompagne.
A lire aussi :
Levée du corps de Bara Diouf : L’hommage de la nation à l’ancien DG du Soleil
– See more at: http://www.lesoleil.sn/component/k2/item/55014-deces-de-bara-diouf-ancien-pdg-du-soleil-un-monument-de-la-presse-s-effondre.html#sthash.7ElQVEka.dpuf