6 août 2016
La question de la nationalité, il est vrai, a été dans beaucoup de pays la cause de basculements regrettables. Le Sénégal, vu son histoire faite de brassages ethniques, a eu une opportunité qui a manqué aux autres pays. Par ailleurs, la loi a déjà réglé le problème de la candidature et il sera difficile de revenir là-dessus, au risque de voir le peuple se dresser comme un seul homme pour dire non.
Ce pays a su produire des mécanismes pour parer aux situations les plus difficiles comme avec Sidy Lamine Niasse capable de prendre des risques au prix de sa propre vie, comme lorsqu’il l’a fait en lançant son cri de guerre à la « place Tahrir » et de rallier des sénégalais épris de justice à une cause juste. Le Sénégal a su produire des mouvements comme celui du 23 juin où le peuple a su se mobiliser autour d’un même objectif pour défendre la Nation, et retourner tranquillement à la maison une fois l’objectif atteint.
La question de la nationalité a toujours été une question politique en fonction du projet de société collectif et ne doit pas se réduire à des préoccupations tactiques d’élimination d’adversaires politiques. Le débat doit être mené.
Quoi qu’il en soit, au moment où ce pays grâce à des opportunités formidables peut espérer offrir un bel avenir à ses enfants, nous avons le devoir de sauvegarder l’essentiel.
Il est donc important de débattre de cette question en toute sérénité, et c’est du devoir de chaque citoyen d’élever la voix pour en faire l’opportunité d’une réflexion sérieuse afin d’éviter des dérapages avec des réflexes de stratégies d’enfermement.
N’oublions pas que des personnes ont donné leur vie pour sortir leurs familles de la pauvreté. Pouvons nous nous permettre de priver nos enfants, qui n’ont pas choisi de naitre là où le devoir a guidé leur parents, de jouir de ce qui leur revient de droit : aspirer à donner le meilleur d’eux mêmes, c’est à dire se mettre au service de leur pays.
Parce que nous sommes un peuple de migrants, de plus en plus nos enfants seront condamnés à avoir la double nationalité, la triple ou la quadruple, peu importe ! Voyons en cela plutôt une chance et une formidable opportunité de nous inscrire au cœur des états du monde de demain.
Combien d’élus locaux en France et ailleurs sont des sénégalais, combien de sénégalais sont dans les administrations de pays étrangers, y compris comme ministre dans un pays comme la France.
Les Etats-Unis d’Amérique on choisi de faire venir des gens de partout pour développer leur pays. Il suffit de naitre sur ce sol pour avoir tous les droits.
Nous avons choisi d’envoyer nos enfants partout pour développer notre pays, au point que les revenus de la migration représentent le tiers de notre budget, par conséquent où qu’ils voient le jour, ils doivent avoir tous les droits dans leurs pays d’origine.
En fin, si nous aspirons au panafricanisme, que signifie une nationalité liée à des frontières factices ?
Osons faire de la nationalité multiple une stratégie pour le futur, car dans le monde de demainla bi-nationalité sera un atout. Les binationaux peuvent utiliser les opportunités offertes dans leur pays d’adoption pour investir dans leur pays d’origine. Aujourd’hui ce sont des sénégalais de l’extérieur qui poussent les opérateurs économiques étrangers à investir dans notre pays.
Nous ne pouvons pas construire le Sénégal de demain en nous enfermant dans des paradigmes du passé. Le monde a changé. À l’heure des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, nous devons anticiper sur le futur.
Ce qui va importer le plus, ce sera le mode de gouvernance et l’existence de mécanismes solides pour une gestion non solitaire du pouvoir. Nous devons donc nous concentrer sur les institutions et non sur les individus.
Dans le cadre de la lutte pour la parité, les femmes se sont battues pour donner la nationalité à leurs enfants de père venant d’ailleurs, elles ne doivent pas accepter qu’on prive leurs enfants de leurs droits.
Faisons donc de la double nationalité une opportunité pour développer notre pays.
Fatou Sow Sarr