Depuis quelques jours s’est instauré au Sénégal un débat nauséabond sur la nationalité de nos
acteurs politiques. On semble se réveiller d’un long sommeil pour découvrir que Karim Wade a
aussi la nationalité française. Quelle découverte ! Le monsieur est né à Paris, d’une mère
française. La saisie, par ses avocats, de la justice française dans le cadre de son dossier
d’enrichissement illicite semble avoir dopé certains. «Vous voyez, il est français, il ne pourra
donc pas briguer le suffrage des Sénégalais le moment venu.»
Le débat a ensuite glissé sur la nationalité française de son père, qui nous a dirigé de 2000 à
2012. Les plus hauts responsables du parti au pouvoir parlent de la mise en place d’une
commission parlementaire pour enquêter sur cette probable « haute trahison ». Mais où étaient-
ils tous en 2007 lorsque le président Wade briguait un second mandat ? La plupart était avec lui
– y compris l’actuel Président de la République – pour nous dire que c’était le meilleur de tous les
Sénégalais. Pourquoi personne, parmi ceux qui hurlent aujourd’hui, n’avait évoqué la « francité »
des Wade père et fils? Etaient-ils trop occupés à jouir, avec eux, du pouvoir ? Evoquer la question
à l’époque, c’était bien évidemment prendre la porte, au minimum. Le président Macky Sall était
même, à un moment donné, monté au créneau pour défendre Karim Wade.
Demb fila niou fek !
Les archives nous permettent même de préciser que cette histoire de « sénégalité » exclusive
remonte au code électoral, adopté à l’unanimité par les députés, le 20 septembre 1991, et qui
stipule que le candidat à la Présidence de la République déclare sur l’honneur n’avoir que la
nationalité sénégalaise. Une loi que la Cour suprême jugera non conforme à la Constitution
(arrêt du 15 novembre 1991). Qu’à cela ne tienne, la Constitution sera modifiée (Loi n° 92-14 du
15 janvier 1992) et l’article 23 dira ceci: «Tout candidat à la Présidence de la République doit être
exclusivement de nationalité sénégalaise (…)». Cet article est devenu le fameux article 28 de la
Constitution de 2001.
Alors, qu’est-ce qui est nouveau ici ? Qu’est-ce que le Sénégal gagne dans ce tohu-bohu ? Nos
politiciens sont-ils si en panne d’imagination et de force de proposition pour faire « émerger » le
pays qu’ils nous imposent ce débat de caniveau?
Sur un autre registre, j’ai toujours condamné les longues détentions préventives qui peuvent
quelques fois durer plusieurs années. Le problème réside dans le fait que seuls les anonymes en
sont victimes. Démonstration vient encore d’être faite qu’au Sénégal, comme ailleurs, mieux vaut
être une célébrité et avoir un très gros carnet d’adresse lorsqu’on a maille à partir avec la justice.
Le Premier Ministre nous avait dit lors de son dernier face à face avec les députés que le Sénégal
ne brulait pas ses stars. Oui ! On avait remarqué. On peut être accusé dans un énorme scandale
de fabrication et d’écoulement de plusieurs dizaines de milliards de faux billets et compter sur le
soutien populaire de quelques bonnes âmes. Fii moy Senrégal Ndiaye !
Enfin, le marathon Eiffage me semble être une bonne idée en soi. Maintenant, l’appeler
« Marathon Eiffage » ressemble fort à une fausse bonne idée. Si l’ambition est de faire de Dakar
le rendez-vous annuel d’un grand marathon international, on aurait pu se contenter de l’intituler
tout simplement « Le marathon de Dakar ». Les plus grands marathons du monde sont des
événements sportifs socio-économiques et constituent un rayonnement sportif de la ville
d’accueil. Les 5 plus grands rendez-vous annuels s’appellent en toute simplicité: 1) Le marathon
de New York, 2) Le marathon de Chicago, 3) Le marathon de Paris, 4) Le marathon de Londres et
5) Le marathon de Berlin.
Bonne semaine productive à tous,