PLATEFORME AVENIR SENEGAAL BI ÑU BËGG A MACKY: « Monsieur le Président, votre autorité morale s’est effondrée »

Mame Adame  GUEYE - © Malick MBOW
Mame Adame GUEYE – © Malick MBOW

19 février 2016

 

A SEM MACKY SALL

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU SENEGAL

 

OBJET: LETTRE OUVERTE

Dans la clameur populaire et le concert d’indignation soulevés par l’acte que vous avez posé ce mardi 16 février 2016, nous avons choisi ce procédé épistolaire pour vous transmettre, en prenant les Sénégalais à témoin, notre intime et profonde conviction.

Jusqu’à la veille de votre déclaration, vous étiez à nos yeux la plus haute autorité morale de notre République car étant, tout à la fois, le Chef suprême de nos armées, gardien de notre Constitution et de nos arts et cultures. En vous déliant du pacte morale qui vous liait au peuple Sénégalais, vous n’avez pas seulement choisi de vous mettre du mauvais côté de l’histoire. Vous avez aussi détruit un pan entier du patrimoine immatériel de notre Nation:  la sacralité et l’honneur qui s’attache à la parole d’un Chef.

Monsieur le Président, vous avez laissé vos propres ambitions ainsi que les avantages et privilèges auxquels vos partisans ont eu accès en accédant au pouvoir se mettre au dessus de votre engagement solennel, fait d’abord en tant que candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012 et ensuite en tant que Président de la République du Sénégal. Vous vous êtes servi de l’alibi du Conseil constitutionnel pour renier  votre engagement pris devant le Peuple sénégalais et plusieurs fois réaffirmé à la face au monde entier. Vous avez désabusé une bonne partie des Sénégalais et anéanti tout espoir de voir les ruptures tant annoncées se réaliser sous votre autorité.

Aujourd’hui, comme en 2011/2012, le peuple a mal de son Président.  Il a mal de sa classe politique partisane dont les membres ne sont intéressés et mus que par les intérêts personnels qu’ils tirent de l’exercice de leurs fonctions et  mandats.

Tout vous attirait vers le meilleur, Monsieur le Président. Mais vous avez choisi le pire et c’est bien dommage pour vous. Le Sénégal quant à lui, restera un Peuple d’Hommes et de Femmes debout et dignes, en dépit d’un quotidien marqué par toutes sortes d’incertitudes, de désordres, d’incivismes et d’indisciplines, lesquels sont bien souvent des réponses populaires à la grande corruption et aux tares secrétées et véhiculées par les élites dirigeantes.

Ayant été sur la place SOWETO, le 23 Juin 2011, vous ne pouvez pas avoir ignoré que le peuple s’était mobilisé comme un seul homme pour prendre en charge son destin et en changer le cours. Le peuple sénégalais avait clairement exprimé son rejet d’une certaine conception et de certaines pratiques politiques qui semblent ignorer en les remettant en cause, les valeurs fondamentales qui constituent le socle de notre nation. L’honneur, la dignité, l’intégrité et le respect des valeurs morales et spirituelles sont au nombre de ces vertus.

 

Monsieur le Président de la République,

La question de la réduction de la durée de votre mandat n’est pas une question juridique ni constitutionnelle et vous le savez bien. C’est une question bien plus importante au regard de notre sociologie et notre culture puisqu’elle touche au caractère sacro-saint de la parole donnée surtout par un chef, un leader et, à fortiori, un Président de la  République. C’est d’éthique et de morale politique qu’il s’agit, plus que de droit et de règles constitutionnelles. Le Peuple souverain est le propriétaire exclusif à la fois de la Constitution et du Conseil Constitutionnel. Au lieu de vous cacher derrière le Conseil Constitutionnel pour décider à la place du Peuple, vous auriez pu, au minimum, laisser ce dernier trancher à l’occasion du référendum auquel vous l’appelez. Plus grave encore, votre attitude montre, au mieux, que vous ignoriez les possibilités techniques et juridiques de tenir cette promesse, ce qui est scandaleux pour quelqu’un qui a assumé les charges qui ont été les vôtres. Au pire, elle montre que vous n’avez jamais envisagé de la tenir. Dans les deux cas, on peut se demander à quel point méritez-vous le choix porté sur votre personne. Votre autorité morale s’est effondrée Monsieur le Président, car votre volte face n’est ni plus, ni moins qu’un Wax Waxeet d’un autre temps. Vous êtes bien placé pour constater le sort que les Sénégalais ont réservé à l’auteur du Wax Waxeet qui, avant vous, avait tenté de les manipuler et les trahir. Le Peuple ne pardonnera plus rien aux dirigeants rendus amnésiques et arrogants par les dorures et la mystique du pouvoir. Vous n’avez certainement pas tiré les leçons de la chute mémorable de votre prédécesseur que vous singez à la perfection, dans ses moindres défauts. Ce peuple d’honneur est aujourd’hui orphelin puisqu’il ne saurait reconnaître comme son chef, quelqu’un qui ne respecte pas sa parole.

Le choix porté sur votre personne en 2012 malgré le lourd passif que vous portez et partagez avec le régime précédent, pour en avoir toujours été une des 3 premières personnalités pendant huit années d’exercice sur douze, vous donnait une chance unique de faire amende honorable et de témoigner  de la reconnaissance et de la gratitude à ce peuple vaillant qui vous aura tout donné.

Au lieu de cela, vous œuvrez à restaurer des contre-valeurs que le peuple avait voulu enterrer à jamais. Qu’il s’agisse de la transhumance, de la corruption, du népotisme, du communautarisme, de la promotion d’intérêts et/ou de groupes particuliers au détriment de l’intérêt général,  qu’il s’agisse de la discrimination négative du secteur privé national au profit d’intérêts et de capitaux étrangers ou l’immixtion inacceptable de la famille dans la gestion de l’Etat. La liste est longue Monsieur le Président de la République, des espoirs déçus de votre magistère quatre ans à peine après votre prise de fonction.

Le peuple est rassuré lorsqu’il s’identifie à son chef. Aujourd’hui, ce lien est rompu  parce que le peuple est attaché au sens de l’honneur et la valeur de la parole donnée.

Le projet de Référendum que vous portez a perdu de sa substance dès lors que le point sur la réduction de votre mandat en cours en a été soustrait. Les autres points de votre proposition de modification constitutionnelle, dont certains, il faut le reconnaître, présentent un certain intérêt,  ne suffisent pas à eux seuls pour justifier que vous convoquiez le collège électoral dans les délais que vous indiquez, et que vous avez unilatéralement déterminés, et aussi pour les coûts importants liés à l’organisation d’un référendum.

C’est pourquoi la Plateforme politique Avenir Senegaal Bi Ñu Bëgg ne reconnait ni ne se reconnait dans votre Constitution. La plateforme a déjà indiqué le fond et la forme de la « REFORME BI ÑU BËGG » et avait exprimé sa volonté de soutenir une Constitution réellement porteuse de réformes refondatrices. Vous avez fait un autre choix et nous nous voyons dans l’obligation de faire face et d’appeler le Peuple à la mobilisation pour faire échec à vos desseins et ceux de tous les politiciens qui, sans cesse, reproduisent les mécanismes et les pratiques de la politique du pire.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de la considération que nous devons, malgré tout, à l’institution que vous incarnez.

Le Secrétariat de la Plateforme

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