Par RFIPublié le 18-04-2016 Modifié le 18-04-2016 à 13:31
Les députés brésiliens ont voté ce dimanche 17 avril au soir l’ouverture du processus de destitution de Dilma Rousseff. Un vote qui a duré plusieurs heures, et finalement largement majoritaire. 367 voix pour, 137 contre. La présidente brésilienne doit maintenant attendre la décision du Sénat, avant une éventuelle suspension de ses fonctions.
Avec nos correspondants au Brésil,
Un score sans appel dans une ambiance de match de football, commente notre correspondant à Brasilia, Martin Bernard. A l’Assemblée nationale de Brasilia, on a pu voir des provocations, des députés se prenant en photo, certains avec des pancartes sur lesquelles il était écrit « Ciao, ma chérie », à l’adresse de Dilma Rousseff.
Un véritable triomphe pour l’opposition, déterminée à faire tomber la gauche au pouvoir depuis 13 ans et qui se mobilise déjà pour la bataille décisive au Sénat. Il lui fallait deux tiers des voix, elle en a obtenu plus de 70 %. C’est d’autant plus frappant qu’un ministre et un ancien ministre de Dilma Rousseff ont voté en faveur de la destitution de la présidente brésilienne.
Du côté du pouvoir en place, la direction du Parti des Travailleurs (PT) de Dilma Rousseff a émis un communiqué très dur, évoquant la « conspiration des vieilles oligarchies ». « J’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traître conspirateur et appuyée par des anciens tortionnaires, des canailles, et des analphabètes politiques », dénonce Jean Wyllys, du parti PSOL (gauche radicale), joint par RFI.
Une contestation crescendo depuis trois ans
Les manifestations avaient commencé il y a trois ans, avant la Coupe du monde de football, et ont pris une tournure de plus en plus politique. Le vote de destitution est un peu comme un aboutissement, pour des jeunes Brésiliens comme Bruna Golberstein, venu fêter sa victoire contre Dilma Rousseff sur l’esplanade des ministères à Brasilia.
« C’est une nuit qu’on attendait depuis longtemps, avec la chute de ce gouvernement corrompu, de ce gouvernement qui ne fait rien pour notre société, se réjouit-elle. Ils sont démagos, hypocrites et malhonnêtes. Pendant 13 ans de ce gouvernement, on a souffert, et maintenant on assiste à sa chute. Du moins, disons qu’on n’en est plus très loin ! On a franchi le premier obstacle. Le second, je crois qu’il sera encore plus facile de le franchir. »
REPORTAGE
Pendant 13 ans de ce gouvernement, on a souffert, et maintenant on assiste à sa chute. Du moins, disons qu’on n’en est plus très loin !
Devant le Congrès brésilien, à Brasilia18/04/2016 – par Martin BernardÉcouter
Manifestations dans tout le Brésil
Le vote de ce dimanche a été suivi en direct à la télévision et dans des manifestations partout dans le pays. A Rio de Janeiro, les Brésiliens pro-destitution s’étaient réunis sur la plage de Copacabana, devant des écrans géants, rapporte notre correspondant à Rio de Janeiro, François Cardona. Pendant plus de quatre heures, en bord de plage, des milliers de Brésiliens ont suivi le vote des députés, jusqu’à l’annonce de l’ouverture du processus de destitution de Dilma Rousseff, accueillie par des applaudissements nourris.
Dans la foule, majoritairement composée de Brésiliens de la classe aisée, se trouvait Andrea, 25 ans, une étudiante en médecine qui vit dans le quartier chic de Copacabana. « Je préfère ne pas être certaine de ce qu’il va se passer maintenant, plutôt que la certitude de savoir Dilma au pouvoir, dit-elle. Pour que cela aille mieux, il faut qu’elle s’en aille. »
Inquiétude chez les militants de DilmaRousseff
Sur l’avenue qui borde la plage de Copacabana, les vendeurs de rue, de boissons, mais aussi de banderoles anti-Dilma viennent des favelas, les quartiers pauvres de la ville. Mais rares sont ceux qui ont célébré le vote des députés. La destitution de Dilma Rousseff, pour Marcos, 32 ans, ce serait une catastrophe.
« Le risque, c’est que beaucoup de gens des favelas comme moi perdent les aides sociales dont on bénéficiait grâce à elle : pour le logement, pour la famille. Si on perd tout ça, ça va mettre beaucoup de gens en colère. Surtout dans les quartiers les plus pauvres ! », s’inquiète-t-il.
REPORTAGE
Le risque, c’est que beaucoup de gens des favelas comme moi perdent les aides sociales dont on bénéficiait grâce à [Dilma Rousseff]
Sur la plage de Copacabana, à Rio de Janeiro18/04/2016 – par François Cardona
L’ouverture du processus de destitution de Dilma Rousseff annonce une période de profonde incertitude politique et sociale pour le Brésil, déjà au coeur d’une grave récession économique.