Paganon à la barre : La classe politique juge l’ambassadeur français en fin de mission au Sénégal

Jean Félix PAGANON - © Malick MBOW
Jean Félix PAGANON – © Malick MBOW

Jean Félix Paganon, l’ambassadeur français, en fin de mission au Sénégal, ne laissera certainement pas dans la mémoire collective des Sénégalais une image intarissable de diplomate en phase avec l’exigence de retenue qui sied à son rang. Non plus, l’homme connu pour sa liberté d’ingérence dans les affaires sénégalo-sénégalaises n’aura pas fini son mandat de plénipotentiaire avec les louanges de la classe politique. A l’instar de Moustapha Diakhaté, le patron du groupe parlementaire de la majorité, de Doudou Wade du Pds et même de Mamadou Mbodj du M23 pour qui Paganon, qui a toujours manqué de « retenue et de réserve » dans sa prise de parole publique, n’a fait que chercher à consolider la posture hégémonique de son pays au Sénégal, ou simplement à montrer la pseudo-suprématie de la France.

leral.net le Mercredi 1 Juin 2016

Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar « Des Sénégalais qui ne se retrouvaient pas dans sa façon de faire… ont raison »

A vrai dire, je n’ai véritablement pas de contact avec lui. D’ailleurs c’est l’un des rares ambassadeurs de la France à avoir séjourné au Sénégal avec qui je n’ai pas eu de contact mis à part ses déclarations fracassantes. Car, il en faisait beaucoup lui. Maintenant, je pense que ce soit avec son magistère ou ceux de ses prédécesseurs, les relations entre la France et le Sénégal sont plutôt constantes et cela, depuis le Général De Gaulle, bien avant même l’indépendance du Sénégal à nos jours. La France est notre premier partenaire. Cependant, la particularité avec Mr Paganon et son devancier, Jean-Christophe Rufin par rapport à leurs prédécesseurs, c’est qu’ils se prononçaient sur des sujets internes au Sénégal comme la situation politique et économique du Sénégal. C’est donc leur prise de parole publique en tant que représentant de la France au Sénégal qui est une nouveauté sinon, il y a une constante en matière de coopération. Le Sénégal a connu des alternances comme la France. N’empêche, il y a une continuation dans les relations entre nos deux Etats.

S’agissant des réactions suscitées par certains de ces propos, je pense que cela est lié au fait qu’aucun Sénégalais ne peut pas laisser un ambassadeur, fût-il celui de la France, s’immiscer dans les affaires intérieures de notre pays. Personnellement, je suis très soucieux de l’indépendance et de la respectabilité de mon pays. Des Sénégalais qui ne se retrouvaient pas dans sa façon de faire, de mon point de vue, ont raison. Le Sénégal est un pays indépendant depuis 1960, nous ne sommes plus une colonie de la France et par conséquent, les ambassadeurs accrédités au Sénégal doivent un peu de retenue, de la réserve dans leur prise de parole publique. Je souhaite d’ailleurs que celui qui le remplacera observe cette règle de bienséance diplomatique.

J’invite par la même occasion le Gouvernement français à dire à ses représentants au Sénégal d’avoir un peu une meilleure conduite publique en termes de prise de position publique sur les sujets internes au Sénégal. Ceci comme le font d’ailleurs le président français et les membres de son gouvernement. Ces derniers ont l’habitude de ne jamais se prononcer en dehors de l’hexagone sur la situation des autres pays. Je crois que les ambassadeurs accrédités au Sénégal ou ailleurs doivent bien observer cette règle des autorités gouvernementales françaises. Qu’ils comprennent que désormais, nous sommes des partenaires, le temps du paternalisme colonial est derrière nous. Je crois que nous, Sénégalais, devons exiger qu’ils nous regardent comme des Etats à égale dignité même si on n’a pas les mêmes possibilités économiques. Car, ce qui compte, c’est que nous sommes tous membres des Nations unies. Et les diplomates qui viennent représenter leur pays ici doivent savoir que nous sommes un pays indépendant.

Doudou Wade, membre du comite directeur du PDS : « Paganon a voulu montrer la suprématie de son pays « mais… »

Jean Félix Paganon, je ne retiens rien de lui sauf qu’il a été ambassadeur de la France au Sénégal comme les centaines et des centaines autres ambassadeurs et diplomates qui ont séjourné dans notre pays. S’agissant maintenant des propos controversés qui il a souvent tenus comme vous le dites, si donc, il est l’un des rares diplomates à susciter des polémiques dans notre pays au vu des relations séculaires qui existent entre le Sénégal et la France, cela veut dire que c’est un ambassadeur qui ne retient pas mon attention parce que tout simplement je ne retiens des ambassadeurs que ce qui a de positif pour conforter nos relations avec la France dans le cadre de notre développement mais aussi dans le cadre du respect des politiques des uns et des autres. Il a voulu montrer la suprématie son pays par rapport au nôtre mais le Sénégal est un petit pays qui compte dans le monde et qui compte en Europe. D’ailleurs, nous avions participé à la libération de la France quand elle a été sous occupation Allemande. La France nous doit donc son indépendance. Par conséquent, il faut qu’elle nous respecte comme nous la respectons. D’ailleurs, je n’attends rien de son successeur. Tout ce que je veux, c’est qu’on respecte mon pays, qu’on respecte ses institutions, qu’on respecte ses décisions et qu’on soit dans une collaboration franche entre les deux pays, de respect mutuel et comme on dit gagnant-gagnant »

Mamadou Mbodj, coordonnateur du M23 : « Il n’a fait que chercher à consolider cette posture hégémonique de son pays au Sénégal »

Personnellement, je n’ai pas grand-chose à dire sur les quatre années passées par Jean Félix Paganon au Sénégal mis à part que c’est quelqu’un qui a l’habitude d’entrer dans le débat local. Je pense que cette intrusion est due à la position hégémonique de la France au Sénégal. Il n’a fait que chercher à consolider cette dimension hégémonique de son pays au Sénégal parce que tout simplement, il se sentait en terrain conquis et les entreprises françaises au Sénégal s’offrent de plus en plus des parts de marché plus ou moins légalement comme c’est le cas de Eiffage avec l’autoroute à péage ou illégalement comme c’est le cas de Necotrans au Port, Orange à la Sonatel. Ceci pour dire que Jean Félix Paganon a bien joué son rôle en tant que représentant de la France.

Maintenant, c’est dommage qu’il parte sans amener avec lui la lettre que nous avons préparée pour lui et pour la France pour leur dire, en tant que patriotes sénégalais, nous voudrions qu’ils disent aux Français et à la France que s’il n’y a pas possibilité d’un partenariat gagnant entre nos deux Etats, ils n’ont qu’à s’en aller. On en a assez d’être dirigés, intimidés chez nous, volés tout le temps avec la complicité d’agents locaux. Je précise d’ailleurs que nous venons de voir avec l’historienne Armelle Mabon que Thiaroye 1944 était une vaste opération d’arnaque. On a tué des gens parce qu’on ne voulait pas leur payer leur argent. La traite des nègres, la colonisation, on veut vraiment une transformation des rapports avec la France. Il faut que ça change ou bien, on rompt !

Sud Quotidien

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *