7 septembre 2016
On voit régulièrement des personnes au fait de situations de mal-gouvernance ou de travers dans la gestion des affaires publiques, alerter ou informer les populations. Les médias sont naturellement friands de sujets pareils et les journalistes et chroniqueurs bâtissent des statues pour ces «héros» des temps modernes. Dans le lot, on trouve des personnes habitées par un sens atavique d’un idéal de la justice et de l’équité. Les médias les appellent des lanceurs d’alerte. Julian Assange, fondateur de Wikileaks, comme le soldat américain alors en poste en Irak, Bradley Mannings, ou l’ancien employé de la Nsa Edward Snowden, en sont des exemples parlants. Ces personnes ont payé le prix fort pour avoir gêné, par leurs révélations, de puissants pays comme les Etats-Unis par exemple.
Dans un instinct de conservation, les autorités politiques des pays dont les intérêts vitaux ont été mis en péril par les révélations, ont réagi avec dureté. On trouve au Sénégal des personnes mues par le même dessein et qui travaillent avec les médias. On ne compte pas le nombre de personnes au Sénégal, qui ont pu voir leur carrière brisée pour de tels comportements. On ne compte pas non plus le nombre de journalistes qui ont payé le prix fort pour avoir donné écho à leurs révélations et qui ont choisi de protéger leurs sources en dépit de représailles. Les motivations et les postures des uns et des autres peuvent paraître bien différentes.
Il arrive que l’on trouve des personnes avides d’une certaine notoriété et qui, en occupant les médias par leurs déclarations, se font une réputation ou poursuivent des objectifs qui sont très éloignés de la seule volonté d’informer les populations ou d’œuvrer simplement pour une bonne gouvernance des affaires publiques. La course à l’information est si forte que les médias n’ont pas toujours le recul nécessaire pour distinguer l’homme politique qui emprunte une stratégie de faire feu de tout bois pour se faire remarquer ou la personne qui se mettrait dans une logique de dénonciation parfois sélective pour préserver ses intérêts propres. Cela nous amène à parler des cas assez illustratifs de Mme Nafy Ngom, de Ousmane Sonko et de Abdoul Mbaye.
Le haut fonctionnaire de l’Administration fiscale, Ousmane Sonko, a été radié de la Fonction publique pour des déclarations récurrentes dans les médias. On peut être bien triste pour le sort qui lui arrive. Seulement, tout autre fonctionnaire placé dans la même situation connaîtrait le même sort. Le Conseil de discipline qui traitait son cas n’avait pas le choix, dès l’instant que le mis en cause ne s’était pas présenté devant cette instance. Cette attitude, perçue comme une défiance, ne permet pas à la commission d’examiner les moyens de défense de Ousmane Sonko et la pratique devant des instances de jugement a toujours été de prononcer la sanction maximale contre la personne mise en cause et qui refuse de comparaître.
Les membres du «pool» d’avocats qui défendent Ousmane Sonko savent parfaitement que dans tous les prétoires, cette règle est strictement appliquée. Peut-être que si les arguments brandis dans les médias par les défenseurs de Ousmane Sonko l’avaient été devant le Conseil de discipline, la sanction aurait été plus clémente si jamais il devait y avoir sanction. Il reste cependant à relativiser ce qu’on appelle communément les révélations de Ousmane Sonko. Le leader du parti politique «Pasteef» semble être un homme politique qui a plutôt versé dans des déclarations politiciennes, plutôt que d’avoir fait des révélations de faits véridiques. Certaines de ses déclarations, très approximatives, ont été très vite démenties de manière cinglante.
L’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, joue dans le même registre. Abdoul Mbaye n’affirme rien. Il se garde de poser des questions ou de faire des insinuations. Il apparaît néanmoins curieux que son jeu favori semble être de chercher à interpeller le Président Macky Sall sur des questions qu’il a lui même traitées quand il occupait les fonctions de Premier ministre. D’où la pertinente réplique du ministre Aly Ngouille Ndiaye, qui lui demande de dire ce qu’il sait plutôt que de chercher à entretenir le flou. On peut bien considérer que les médias se feront l’écho de révélations croustillantes venant d’un ancien Premier ministre.
Mais Abdoul Mbaye, revêtu d’une cape de «Robin des rues», devient renversant quand il plaide pour la publication de contrats signés par l’Etat du Sénégal avec des investisseurs dans les domaines miniers. En juillet 2007, quand le journal Le Quotidien révélait l’opération de Abdoul Mbaye, en partenariat avec Ousmane Ahne, pour l’exploitation d’une mine d’or à Sabodala par leur société la Sored-Afrique, le même Abdoul Mbaye nous disait ne pouvoir évoquer les termes de la concession minière, du fait de la clause de confidentialité attachée à de tels contrats.
Pour sa part, Mme Nafy Ngom devait organiser une conférence de presse qu’on annonçait grosse de révélations. Elle semble s’être un peu calmée car son agitation commençait par rendre sceptiques de nombreuses personnes qui avaient pu lui manifester une sympathie ou un soutien, par respect pour son parcours administratif et sa persévérance. C’est peut-être son style et le président Macky Sall ne devait pas craindre de telles vagues quand il décida de la nommer à la tête de l’Ofnac !
Seulement, les sorties médiatiques intempestives de Mme Nafy Ngom ont pu jeter un doute sur ses véritables motivations, surtout à quelques mois de ce qui était supposé être le terme de son mandat à la tête de l’Ofnac. Les rédactions des journaux avaient été assaillies pour exiger que le président de la République daignât recevoir le rapport de l’Ofnac. On ne pouvait pas ne pas remarquer qu’en dépit des prescriptions de la loi sur l’Ofnac, durant deux bonnes années, cette institution n’avait pas déposé de rapport et que de façon subite, sa présidente insistait pour en déposer un, à la dernière année de son mandat.
Il s’y ajoute qu’après le dépôt du rapport, les mêmes sources des journaux reprenaient du service pour alerter sur le risque que le président de la République n’allait pas renouveler le mandat de Nafy Ngom à la tête de l’Ofnac. D’aucuns n’avaient pas voulu s’y tromper, estimant que rien n’obligeait Macky Sall à choisir Nafy Ngom pour diriger l’Ofnac et que rien non plus ne lui imposait de lui renouveler le mandat. C’était comme si tout le débat avait pour dessein de mettre la pression sur le président de la République. Il en était de même sur les déclarations de patrimoine de personnalités assujetties à satisfaire à la formalité de déclaration de patrimoine.
La présidente de l’Ofnac s’épanchait dans la presse par des dénonciations de défaillance, alors que la loi lui conférait des prérogatives en la matière qu’elle s’était gardé d’user. Il lui était possible par exemple, de demander la révocation d’une personnalité défaillante. Sur un autre registre, on n’a pas manqué de relever que l’Ofnac s’était gardé soigneusement de s’intéresser à des dossiers sulfureux comme les accusations portées contre le Directeur général du Port de Dakar, Cheikh Kanté. Ce silence assourdissant de l’Ofnac a conforté sur le caractère sélectif des sujets sur lesquels travaillait l’institution.
C’est dire qu’il y a eu beaucoup trop de subjectivisme dans tout cela ! Comment le Pr Jacques Mariel Nzouankeu a-t-il pu produire une contribution publiée dans les médias pour indiquer à la Cour suprême la voie à suivre pour statuer sur le recours introduit par Nafy Ngom contre la décision procédant à son remplacement à la tête de l’Ofnac ? Il aurait été plus convenable que l’éminent professeur de droit public, admiré et adulé par tant de générations d’étudiants, attende un arrêt rendu par la haute juridiction pour le commenter, plutôt que d’anticiper son commentaire. Cette démarche a pu gêner et embarrasser, quand on connaît le soutien que le Pr Nzouankeu a toujours apporté à Nafy Ngom pour l’aider à faire ses humanités et à progresser dans sa carrière de fonctionnaire.
mdiagne@lequotidien.sn