Crier au complot, souligner des différences entre brut et net, tancer le patron de la « Revue des deux mondes »… Tout surprend dans la défense de François Fillon.
PAR LAURELINE DUPONT
Modifié le 29/01/2017 à 14:25 – Publié le 29/01/2017
François Fillon semble avoir trouvé de quoi s’ériger une bonne fois pour toutes en candidat anti-système. À lire son interview dans le Journal du dimanchesobrement intitulée « Ces manœuvres puent la calomnie », on a le sentiment que le candidat de la droite, dans la tourmente après les révélations du Canard enchaîné sur l’emploi de son épouse en tant qu’attachée parlementaire puis comme conseillère littéraire de la Revue des deux mondes, a décidé de tout miser sur la victimisation.
Théorie du complot
Aucun doute, si l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy se retrouve aujourd’hui confronté à cette sombre histoire, c’est parce qu’il est devenu « l’homme à abattre », la victime d’un coup politique. Sinon, « comment expliquer une telle violence ? » s’interroge-t-il benoîtement. Cette idée, plusieurs personnalités dans l’entourage de Fillon tentent de la vaporiser depuis plusieurs jours dans l’air médiatique de plus en plus encombré par le « Penelopegate ». « C’est une prise d’otage à un moment extrêmement important », nous affirmait samedi Bruno Retailleau, patron du groupe LR au Sénat et coordinateur de la campagne de François Fillon. D’autres, plus audacieux, jurent même micros fermés et pèle-mêle qu’il s’agit d’un coup des sarkozystes, de François Hollande lui-même ou encore de Rachida Dati, marrie de ne pas avoir été investie dans l’ancienne circonscription parisienne de Fillon.
Mais crier à la théorie du complot présente deux inconvénients majeurs. Pour commencer, la démarche manque un peu de sérieux et apparaît souvent comme le sursaut désespéré de ceux qui sont à court d’arguments. Surtout, elle se heurte aux faits. Si l’on peut s’interroger sur le moment choisi pour mettre en lumière cette affaire, il n’empêche : le Canard et plusieurs médias avec lui ont trouvé des témoignages de Sarthois, de Saboliens, semblant découvrir l’emploi de Penelope Fillon. Michel Crépu, le directeur de la Revue des deux mondes, s’est, quant à lui, dit « sidéré » de découvrir qu’elle était salariée de son journal et Marianne a mis la main sur ses deux uniques notes de lecture. Difficile d’accuser la gauche, la droite ou quiconque.
Brut ou net ?
Le second point sur lequel François Fillon tente de se défendre concerne les salaires perçus par son épouse. Selon lui, les rémunérations évoquées sont tout simplement « fausses ». Comment justifie-t-il cette allégation ? Il y aurait, selon lui, confusion entre le brut et le net. C’est ce qu’on appelle jouer sur les chiffres. Qu’il s’agisse de brut ou de net, les électeurs ont été heurtés par les révélations des sommes perçues par Penelope Fillon. Et, de la part d’un candidat qui demande tant d’efforts aux Français, montrer si peu de remords sur les sommes versées à son épouse et, pire, sembler considérer que s’il s’agit de brut lesdites sommes n’ont rien de choquant, voilà qui fait un peu désordre.
Drôles de preuves
Autre élément étonnant, les documents remis à la justice. Depuis jeudi après-midi, moment où son avocat Antonin Lévy a fait irruption sac au dos au Parquet national financier pour remettre des pièces censées prouver l’activité de Penelope Fillon, tout le monde s’interroge sur la nature des documents. Optimistes, certains lieutenants fillonistes imaginaient qu’il s’agissait de mails, de messages, de notes démontrant l’assiduité de l’attachée parlementaire Penelope Fillon.
En une phrase dans le JDD, Fillon sème le doute et le trouble. À la question « Quel type de documents ? », le voici qui répond : « Des bulletins de salaire, notamment, pour établir les montants et les dates. » Pourquoi des bulletins de salaire ? Personne ne semblait contester que son épouse ait été rémunérée. Quant aux dates, elles ne paraissaient pas être au cœur de l’affaire et des interrogations qu’elle suscite. En se contentant de mentionner les bulletins de salaire comme preuves versées au dossier, Fillon inquiète jusque dans son propre camp.
Son meeting ce dimanche après-midi porte de la Villette devrait être l’occasion de mesurer le crédit accordé à sa défense par les cadres Républicains mais aussi par les militants.