Pauline Théveniaud @pauline_th|12 février 2017
Moqué pour sa voix perchée dans les aigus, le candidat à la présidentielle d’En marche est désormais coaché par un chanteur d’opéra, un baryton-basse.
De «Carmen» à la répétition de discours sur l’inversion de la hiérarchie des normes en droit du travail… Ces dernières semaines, il arrive au baryton Jean-Philippe Lafont de s’éloigner des estrades — il a foulé celles des opéras les plus prestigieux du monde — pour… coacher Emmanuel Macron.
L’idée de cette collaboration, révélée par « l’Opinion », a germé dans l’esprit du conseiller en communication du candidat, par ailleurs directeur de la publication du site Forumopera.com, Sylvain Fort, « avant le meeting de la porte de Versailles ».
Mais ce 10 décembre, alors que la voix de Macron déraille (faisant ainsi les délices des réseaux sociaux) lorsqu’il s’époumone et incite en hurlant ses militants à porter son projet « partout en France », l’équipe d’En marche se dit que l’intuition fut bonne. Un mois plus tard, son meeting de Quimper le laisse aphone. Le candidat Macron doit donc urgemment travailler sa voix, apprendre à la poser et à la ménager.
L’homme de scène reste dans l’ombre
Adepte des discours léchés et (pour les plus importants) répétés en amont, Macron ne peaufine pas la mise en scène ou la posture avec son maestro. Mais il réalise un travail physique et technique sur la maîtrise vocale pour en finir avec les envolées lyriques un peu trop haut perchées ! Comme un professionnel. « Il est en réunion ou échange avec des interlocuteurs toute la journée, il répond à des interviews, il fait des meetings… Le muscle d’un candidat, c’est la voix. Comme un vrai sportif, il est indispensable d’avoir un savoir-faire technique », indique son conseiller.
Le baryton, lui, préfère rester discret, refusant d’évoquer cette collaboration. Il fait simplement remarquer qu’il n’est pas le seul coach vocal « sur la place » et note que Macron n’est pas non plus l’unique responsable politique à recourir à ce type de conseils. Prenant garde à ne pas livrer les secrets de ce travail de l’ombre, ne souhaitant pas « être mis en valeur sur ce travail-là », l’homme de scène nous invite à juger sur pièces : « L’important, c’est que l’on se rende compte qu’il commence à être très pointu. »
Chacun cherche sa voix
Soigner sa voix pour espérer récolter celle des autres. Avant le président d’En Marche, Emmanuel Macron, d’autres ont eu recours à un coach pour apprendre à maîtriser leur ton, leur débit, leur justesse. En 2012 déjà, l’aspirant président François Hollande avait fait appel aux services d’un ancien coach vocal de la « Star Academy » ! Pour ouvrir son diaphragme, le socialiste criait « orang-outan » de manière répétée dans sa loge avant les meetings, ce qui ne manquait pas de surprendre son staff.
« Tout est dans la posture, c’est important de se tenir bien droit pour maîtriser sa voix, explique Danièle Dahan, orthophoniste. Il faut aussi faire des exercices d’articulation. Par ailleurs, le travail du souffle abdominal est aussi important pour avoir une voix qui porte. Il faut prendre l’air dans son ventre pour pouvoir projeter sa voix. C’est ce que travaillent tous les comédiens, chanteurs, c’est essentiel pour ne pas se fatiguer. » C’est aussi ainsi que travaillent certains politiques.
Conscient que l’on projetait « sur elle des défauts d’adolescente », l’entourage de Cécile Duflot a vite compris qu’il fallait adoucir son timbre aigu. Pour mieux se présidentialiser, l’ex-patronne d’EELV avait ainsi travaillé son ton en vue de sa participation à la primaire écolo. « Elle avait une voix sous tension, qui était irritante à l’oreille », nous avait alors confié l’un de ses proches. Elle a d’abord soigné le problème médical qui lui donnait ce timbre. Puis perfectionné son intonation avec… un orthophoniste.
Benoît Hamon travaille sans coach, comme François Fillon. L’ entourage de ce dernier affirme qu’il « a naturellement une voix grave, posée et du coffre ainsi que trente-six ans d’expérience des meetings ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon chanterait régulièrement avant ses meetings afin d’échauffer des cordes vocales qu’il malmène lors de ses discours.
Q.L. (avec P.TH.)