1965, quand François Mitterrand et Anne Pingeot étaient mis sur écoutes…

 

Francois-Mitterand © Malick MBOW
Francois-Mitterand © Malick MBOW

La revue « Sang-Froid » exhume des archives des écoutes réalisées en pleine campagne présidentielle opposant de Gaulle à Mitterrand. Savoureux.

PAR MARC LEPLONGEON

Modifié le 09/03/2017 à 09:40 – Publié le 08/03/2017 à 19:58 | Le Point.fr

Franois Mitterrand en meeting à Nantes le 5 décembre 1965.  © AFP

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« Anne Pajot ». Ce mois d’octobre 1965, les barbouzes du régime, chargés de retranscrire les écoutes des communications de François Mitterrand, peinent à orthographier correctement le nom de sa maîtresse. Qu’importe. Depuis quelques jours, les espions au service du ministre de l’Intérieur, Roger Frey, en ont désormais la certitude : le candidat de la gauche à l’élection présidentielle a une « relation intime ». Une potentielle bombe médiatique à l’approche de la présidentielle.

Dans son dernier numéro, en vente ce jeudi, la revue Sang-Froidexhume des archives « 41 feuillets de transcriptions dactylographiées sur papier pelure jaunâtre, couvrant treize conversations téléphoniques, entre le 7 octobre 1965 et le 11 janvier 1966 ». Toutes ont trait à la passion de Mitterrand pour sa muse. La ligne personnelle de François Mitterrand est espionnée.

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La rédaction de Minute placée sur écoutes ?

Ces écoutes, Charles de Gaulle ne s’en servira pas. Il n’en aura pas l’utilité, s’imposant facilement au deuxième tour de la présidentielle de décembre 1965 avec 55,20 % des voix. Mais aux yeux de ses lieutenants, parmi lesquels l’incontournable Jacques Foccart, conseiller présidentiel pour la sécurité et les affaires politiques, mieux valait ne rien laisser au hasard dans une élection au suffrage universel – la première depuis 1848.

Et ce, d’autant plus que François Mitterrand, qui avait réussi à réunir toute la gauche non communiste derrière lui, était un challenger sérieux… Jusqu’à mi-novembre 1965, la pêche aux informations se révèle peu fructueuse pour les barbouzes. Il faut dire que ces derniers ont fort à faire, entre le scandale Ben Barka (du nom de cet opposant au pouvoir marocain enlevé en plein Paris le 29 octobre 1965) et l’extrême droite nationaliste très active au début des années 60. « Tout laisse à penser que les RG ont directement sonorisé la rédaction du journal » Minute, écrit Sang-Froid.

« Construction demandée en urgence »

Ce n’est donc qu’à partir du 24 novembre 1965 que les choses sérieuses commencent. Ce jour-là, les espions écrivent, dans un papillon transmis à la hiérarchie : « Téléphone 222 61 68. Construction demandée en urgence par les RG (…) Motif : il s’agit de déterminer les rapports existant entre Mlle de J. (la propriétaire de la ligne téléphonique utilisée par Anne Pingeot, NDLR) et François Mitterrand. » Mais le couple, se sachant sur écoute, se montre prudent. Mitterrand et Pingeot multiplient les allusions au téléphone.

– J’ai l’impression que ça enregistre diablement ! dit Anne, le 12 décembre 1965.

– Ça enregistre toujours. C’est même amusant, on pourrait en rajouter, répond Mitterrand (…) Souvent, ça m’amuse de le faire exprès.

Des grésillements sur la ligne

À l’époque, pour écouter une conversation, les RG sont en effet obligés de brancher des bretelles sur des fils de cuivre – d’où le surnom de « plombiers » donné aux barbouzes –, ce qui pouvait provoquer des grésillements lors des discussions téléphoniques. Aussi François Mitterrand prit soin de ne jamais rien dire au téléphone qui pourrait être compromettant :

– Ils ont remis les écoutes ? lui demande Anne Pingeot, le 11 janvier 1966.

– Sûrement (rires). Ils ne les ont pas enlevées, je veux dire… précise le candidat.

Mitterrand ne semblait pas paniqué à l’idée qu’on entende ses mots d’amour. Sans doute était-il totalement inconcevable que la liaison adultère d’un personnage politique de premier plan se retrouve étalée dans la presse. Les temps ont bien changé.

Le récit, passionnant, est à retrouver dans son intégralité dans Sang-Froid.

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