Il y a de quoi désespérer face à l’attitude de certains tenants du régime actuel. Notamment, sur leur frilosité, leur absence de la culture démocratique et d’acceptation de débat contradictoire. Mais le plus ahurissant, c’est leur capacité à créer du contre-pouvoir sans le vouloir.
Sinon, comment expliquer cette levée de boucliers contre le mouvement «Y’en a marre» qui était presque éteint, voire mort de sa belle mort, après avoir fini de contribuer grandement à la lutte contre la dévolution monarchique du pouvoir par Abdoulaye Wade, via son projet diabolique de ticket de Président et de Vice-Président.
Le mouvement est ensuite tombé dans un coma prolongé avant d’être réveillé par les agissements du régime, notamment dans sa manière sélective de faire suivre les dossiers judiciaires. Une simple conférence de presse annonçant un regroupement à la Place de l’Obélisque, aura suffi aux responsables de l’APR pour monter sur leurs grands chevaux et cracher du feu sur Fadel Barro et Compagnie. Invectives, déballages, insultes, menaces, tout y passe. Diantre !
Cette attitude désinvolte risquerait encore de révolter certains Sénégalais qui, finalement ne vont pas hésiter à se ranger derrière cette bande de copains qui étaient en perte de vitesse, mais dont la capacité de nuisance n’est plus à démontrer.
Espérons quand même que ce n’est pas cette déclaration, à la limite loufoque, de Thiatt : «nous allons mobiliser un million de personnes à la Place de l’Obélisque» qui sème autant la panique dans le camp présidentiel.
Et au lieu d’agir, les responsables de l’APR optent pour la réaction. Qui ne se souvient pas de la grande offensive contre une simple visite de Idrissa Seck dans certains foyers religieux de Matam. Une région où électoralement parlant, on assiste à un duel fratricide entre «apéristes»
Mais Idy avait réussi à hanter le sommeil des Apéristes par un simple communiqué. Le premier à être dépêché afin d’apporter la réplique à la hauteur de «l’affront», c’est Abou Lô. «La visite d’Idrissa Seck à Matam ne peut en rien ébranler l’assise électorale de Macky Sall dans la région», avait déclaré le PCA de l’Aéroport international Blaise Diagne dans les colonnes de Sud Quotidien du 8 mai dernier 2016.
Une telle réponse n’aurait point rassuré le Chef de l’Etat qui va envoyer l’argentier du pays, Amadou Bâ et son ministre de l’Hydraulique, Mansour Faye pour tâter le pouls des populations. Résultat : c’est un chèque d’un milliard qui est annoncé pour régler le problème de l’accès à l’eau potable dont souffrent les populations de cette partie du Sénégal.
Last but not least, c’est l’incarcération du maire de Dakar. Sous le prétexte d’une reddition des comptes, Khalifa Ababacar Sall est envoyé en prison dans un contexte de précampagne électorale où il avait fini d’afficher sa volonté de briguer les suffrages des Sénégalais, non seulement avec une liste parallèle, mais aussi et surtout son désir de se présenter à la Présidentielle de 2019.
Là également, les tenants du pouvoir, pris dans une panique et une frilosité inexplicables, vont finir par tailler à Khalifa Sall un costume d’un Présidentiable. Le maire de Dakar dont l’électorat pourrait être circonscrit au niveau des 19 communes d’arrondissements, a depuis, gagné en notoriété. D’abord au niveau national, puis international avec la visite des maires francophones qui a été relayée pour la presse étrangère.
Des sources dignes de foi, nous informent d’ailleurs que l’incarcération de Khalifa Sall a poussé le candidat socialiste, à la Présidentielle française, Benoit Hamon, à reporter sa visite au pays de Senghor.
Quand on accède au pouvoir, la seule manière de le consolider, c’est de défendre son bilan. Sur ce, quoi qu’on puisse dire, il y a pas mal de choses qui ont été réalisées. Le Plan Sénégal Emergent est certes perfectible, mais il annonce des choses assez intéressantes pour le développement de notre pays. Que dire du PUDC qui a permis de sortir des villages et autres hameaux de l’ornière, en octroyant aux populations de l’eau potable, des pistes de production. Sans occulter la Couverture maladie universelle pour les enfants de moins de 5 ans, la Bourse familiale, etc.
Mais tout n’est pas rose. Ceux qui veulent éviter à Macky Sall une cohabitation le 30 juillet prochain, ceux qui veulent l’aider à obtenir un second et pas un deuxième mandat, devraient lui conseiller de mettre en pratique ses slogans, ô combien importants pour la bonne marche de notre démocratie : la transparence et la bonne gouvernance.
Ceux-là, ne doivent pas pousser Macky Sall à liquider tout Sénégalais qui affiche ses ambitions de devenir président de la République. Ceux-là, doivent lui dire de mettre en pratique son slogan «la patrie avant la parti» ; de veiller à ce que la gouvernance sobre et vertueuse ne se transforme en une gouvernance verbeuse et de partage du gâteau. Ceux-là devraient lui conseiller de veiller à l’indépendance de la justice. Ceux-là devraient lui dire de mettre l’accent sur la préférence nationale au lieu de sauver ces sociétés étrangères qui avaient fini de mettre la clé sous le paillasson.
Ceux qui se disent Mackystes jusqu’à la moelle épinière ne doivent jamais perdre de vue que le Sénégalais ne supporte pas l’arrogance, l’injustice. D’ailleurs, c’est pour combattre l’injustice dont l’actuel président de la République a été victime que les Sénégalais l’ont porté à la tête de la Magistrature suprême. Le pouvoir ne rend fou qu’à ceux qui ne sont mus que par des appétits carnassiers.
Tous les «Faucons» tapis dans l’ombre du palais, empruntant des couloirs calfeutrés, n’hésiteront pas de le laisser seul contre tous quand le peuple va lui tourner le dos. Suivez notre regard.
Par Abdoulaye THIAM
(Sud Quotidien)