Ivan Couronne,AFP
Washington (AFP) – Donald Trump a accentué vendredi la pression sur le ministère de la Justice et sur Robert Mueller, le procureur spécial dont l’enquête sur la Russie remonte jusqu’au premier cercle du pouvoir et cible désormais le président américain.
Dans un tweet ambigu, le dirigeant a semblé confirmer ce que seules des sources anonymes avaient jusqu’à présent confié à des médias: le procureur spécial enquête sur une possible entrave à la justice de la part du chef de l’exécutif américain, dans l’affaire russe.
« L’homme qui m’a dit de limoger le directeur du FBI enquête sur moi parce que j’ai limogé le directeur du FBI! Chasse aux sorcières », a écrit Donald Trump vendredi matin, sans dire s’il se référait à des informations de presse ou s’il était officiellement au courant.
Le tweet s’adresse apparemment à Rod Rosenstein, numéro deux du ministère de la Justice qui a été nommé par Donald Trump le 31 janvier.
C’est M. Rosenstein qui, à la demande du président, avait établi une liste de griefs contre James Comey, l’ancien directeur du FBI qui supervisait l’enquête sur la Russie, dans une note invoquée par Donald Trump pour limoger M. Comey le 9 mai.
Peu après ce limogeage, face aux soupçons d’interférence politique, Rod Rosenstein avait nommé Robert Mueller afin de garantir l’indépendance des investigations.
Le périmètre de son enquête inclut les tentatives d’ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016, une éventuelle collusion entre des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie et, désormais, une possible tentative d’entrave du dirigeant républicain.
L’entrave serait constituée par les pressions de Donald Trump sur James Comey avant son renvoi, au cours d’entrevues en tête à tête ou de conversations téléphoniques. Le milliardaire aurait notamment demandé à M. Comey d’épargner l’un de ses ex-conseillers, Michael Flynn.
Le Washington Post a confirmé mercredi soir que M. Mueller avait pris le témoignage de M. Comey très au sérieux. Il a commencé à interroger de hauts responsables du renseignement américain pour vérifier si le locataire de la Maison Blanche a effectivement tenté d’influencer l’enquête.
– Maison Blanche sous pression –
Le camp Trump a toujours insisté sur le fait que l’idée d’une connivence entre le républicain et Moscou était absurde. M. Comey a lui-même dit que le président n’était pas soupçonné, du moins jusqu’à son départ le 9 mai.
« Après sept mois d’enquêtes et d’auditions des commissions sur ma « collusion avec la Russie », personne n’a été capable de montrer la moindre preuve. Triste! » a encore tweeté le milliardaire vendredi, 24 heures après avoir dénoncé une histoire « bidon » et « la plus grande chasse aux sorcières de l’histoire politique des Etats-Unis ».
L’équipe de M. Mueller porte aussi, selon la presse, son attention sur le premier cercle du président.
Les enquêteurs s’intéressent de près notamment à Jared Kushner, proche conseiller et gendre du président, pour ses finances et affaires. Le mari d’Ivanka était, durant la campagne, le point de contact principal pour les diplomates étrangers, et il a lui-même rencontré des responsables russes.
Comme Donald Trump récemment, le vice-président Mike Pence a engagé un avocat personnel pour défendre ses intérêts, une pratique normale dans ce genre de situation mais qui souligne une certaine tension au sein du pouvoir exécutif.
Les membres de l’équipe de transition de Donald Trump ont également été sommés par les responsables juridiques de l’équipe de conserver tout document pouvant être pertinent dans l’enquête russe, selon le New York Times, notamment tout ce qui concerne cinq hommes, dont l’ancien directeur de campagne Paul Manafort, l’ex-conseiller Carter Page et Michael Flynn.
Pour l’opposition démocrate, chaque parole du président aggrave en tout cas les soupçons.
« Je m’inquiète de plus en plus du fait que le président tente de limoger non seulement Robert Mueller (…) mais aussi le ministre adjoint de la Justice Rosenstein qui a nommé Mueller », a réagi le sénatrice démocrate de Californie, Dianne Feinstein, dans un communiqué.
« Je ne sais pas si le président a entravé la justice mais j’estime qu’il abuse de son pouvoir », avait également tancé la chef démocrate Nancy Pelosi sur la chaîne MSNBC.
« Le président a besoin de quelques bonnes nuits de sommeil. Il faut qu’il reçoive de bons conseils juridiques car il est évident qu’il flirte avec l’entrave à la justice », a-t-elle conclu.