Ce Britannique d’origine japonaise est notamment l’auteur des « Vestiges du jour ». Le comité Nobel a salué la « grande force émotionnelle » de ses romans.
LE MONDE | 05.10.2017 à 13h16 • Mis à jour le 05.10.2017 à 19h47
Kazuo Ishiguro en 2009. ALESSANDRO FUCARINI/AP
Le prix Nobel de littérature 2017 a été décerné, jeudi 5 octobre, à l’écrivain britannique d’origine japonaise Kazuo Ishiguro, qui succède au poète et musicien Bob Dylan récompensé l’année précédente.
Kazuo Ishiguro, 62 ans, « a révélé, dans des romans d’une grande force émotionnelle, l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde », a fait savoir la secrétaire perpétuelle de l’Académie suédoise, Sara Danius, lors de l’annonce rituelle sous les ors de la salle de la Bourse à Stockholm.
« C’est un honneur magnifique, principalement parce que cela signifie que je marche dans les traces des plus grands écrivains de tous les temps, c’est une reconnaissance fantastique, a-t-il déclaré à la BBC. Le monde traverse une grande période d’incertitude et je voudrais que l’ensemble des prix Nobel puissent êtreune force positive dans le monde. »
Son éditeur, Faber & Faber, a également réagi, sur Twitter, se disant « ravi que Kazuo Ishiguro ait remporté le prix Nobel ».
Lire aussi le portrait : Variations ishiguriennes
Un mélange de « Jane Austen et Kafka »
Son roman le plus connu, Les Vestiges du jour (1989), porté au cinéma en 1993 par James Ivory avec Anthony Hopkins et Emma Thompson, a été salué par le prestigieux Man Book Prize qui récompense une œuvre de langue anglaise. « Si on mêle Jane Austen et Kafka, on obtient Kazuo Ishiguro », a ajouté Sara Danius.
Kazuo Ishiguro a publié sept romans depuis 1982 : Lumière pâle sur les collines, Un artiste du monde flottant (prix Whitbread Award 1986), Les Vestiges du jour, L’Inconsolé, Quand nous étions orphelins, Auprès de moi toujours et Le Géant enfoui. Il a également signé quatre textes de chansons pour la chanteuse de jazz américaine Stacey Kent.
Né en 1954 au Japon, à Nagasaki, ville martyre rasée par la bombe H en 1945, Kazuo Ishiguro est arrivé en Grande-Bretagne en 1960 où son père, océanographe, était amené à travailler. Son œuvre témoigne de cette double culture.
Zen nippon doublé de flegme britannique, lunettes à monture noire et pull assorti, cet auteur discret qui se rêvait en chanteur pop à textes comme Bob Dylan ou Leonard Cohen passe pour être un des meilleurs stylistes de sa génération, lui dont la langue maternelle n’était pas l’anglais.
En 1995, il expliquait être souvent ramené à l’une ou l’autre de ses identités. Ses premiers romans situés au Japon étaient, en outre, davantage perçus comme des reconstitutions historiques que comme des fictions universelles.
Avec Les Vestiges du jour, il espérait en finir. « Je pensais que si j’écrivais un livre situé en Grande-Bretagne, comme je l’ai fait dans Les Vestiges du jour, cela s’estomperait largement, mais parce que Les Vestiges du jour fixent la Grande-Bretagne dans un moment particulier de l’histoire, je me suis heurté aux mêmes écueils », déplorait-il dans un entretien avec l’International Herald Tribune.
Des prix inattendus
Son nom avait été complètement ignoré par les cercles littéraires. « C’est totalement inattendu. Son nom a été avancé pendant longtemps mais pas cette année », a reconnu son éditrice suédoise à la radio publique SR.
Le sacre de Bob Dylan l’an dernier avait ravi ses fans et mécontenté les gardiens du temple Nobel. Les académiciens suédois étaient très attendus par une partie de la critique qui n’avait pas digéré le sacre de l’Américain. Tandis que le Nobel échappe édition après édition à des écrivains ou poètes aussi établis que Philip Roth, Margaret Atwood, Claudio Magris, Adonis, Milan Kundera et Haruki Murakami, les immortels suédois avaient stupéfié en faisant entrer le pape de la contre-culture américaine au Parnasse universel des belles lettres.
Kazuo Ishiguro confirme toutefois l’écrasante domination des anglophones au palmarès du prix Nobel de littérature, avec 29 lauréats contre 14 francophones. Décerné pour la première fois en 1901 (à l’écrivain français Sully Prudhomme), le Nobel de littérature a récompensé, pour l’immense majorité de ses 114 récipiendaires, des romanciers, de sexe masculin (14 femmes seulement), âgés en moyenne de 65 ans.