Depuis des semaines, l’ancien vice-président tentait d’obtenir un départ en douceur de Jacob Zuma, qui a finalement démissionné mercredi soir.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters Le 15.02.2018
Seulement quinze heures après la démission de Jacob Zuma, le chef de file du Congrès national africain (ANC, parti au pouvoir), Cyril Ramaphosa, a été élu nouveau président de la République d’Afrique du Sud par les députés, jeudi 15 février.
En l’absence d’un autre candidat face à Cyril Ramaphosa, le président de la Cour constitutionnelle, Mogoeng Mogoeng, l’a déclaré président de la République sans même procéder à un vote. A l’annonce du résultat, le nouveau président, assis au premier rang dans l’hémicycle, a fait un salut de la tête, tout sourire, sous les applaudissements des députés réunis en session extraordinaire.
« Les problèmes de corruption, les problèmes liés à la nécessité de redresser les entreprises publiques (…) font partie de nos priorités. Ce sont des problèmes auxquels nous allons nous atteler, a déclaré M. Ramaphosa devant les députés. Je travaillerai très dur pour essayer de ne pas décevoirle peuple sud-africain. »
Lire aussi : Trois choses à savoir sur Cyril Ramaphosa, président par intérim de l’Afrique du Sud
La chute de Zuma applaudie
Jacob Zuma a annoncé sa démission avec effet immédiat, mercredi soir, plutôt que d’être poussé vers la sortie par une motion de censure de l’ANC. A 75 ans, dix ans de plus que celui qui le remplace, il était affaibli depuis des mois par des polémiques et des scandales teintés de corruption.
Depuis des semaines, Cyril Ramaphosa tentait d’obtenir un départ en douceur du chef de l’Etat afin d’éviter une catastrophe électorale en 2019. Mais il s’est heurté de front au refus de l’obstiné président, dont le mandat n’expire qu’en 2019. Au bout de plusieurs jours de tractations, la direction du parti s’est résolue, mardi, à prendre le taureau Zuma par les cornes en le « rappelant », ainsi qu’elle peut le faire pour tous ses membres « délégués »à un mandat gouvernemental. Mais M. Zuma, qui n’avait aucune obligation juridique de se soumettre aux ordres de son parti, a résisté jusqu’au bout.
Sa capitulation a été accueillie avec un soulagement quasi unanime dans une Afrique du Sud épuisée par une fin de règne marquée par l’instabilité politique, la corruption généralisée et des difficultés économiques persistantes. « C’est la fin d’une période où la plus haute fonction du pays a été détournée en vue d’un pillage généralisé des coffres du pays », s’est réjouie la Fondation Nelson Mandela.
Dès jeudi matin, les marchés ont salué le départ de Jacob Zuma par une hausse de l’indice de la Bourse de Johannesburg (jusqu’à + 2,7 %) et de la devise nationale, le rand, à son plus haut niveau face au dollar depuis trois ans.
« Nous avons un problème avec l’ANC »
L’opposition, qui a vainement tenté depuis des années de pousser M. Zuma vers la sortie, a elle aussi applaudi avec enthousiasme l’annonce du départ de Jacob Zuma. « Toute la nation a été victime depuis plus de dix ans d’un délinquant et d’un imposteur (…), il va rejoindre les poubelles de l’histoire », a raillé Julius Malema, le chef des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale). Mais M. Malema a aussitôt averti qu’il surveillerait de « très près » les nouveaux maîtres du pays. « Zuma est parti, maintenant je vais m’occuper d’eux », a-t-il lancé.
« Nous n’avons pas un problème avec Jacob Zuma, nous avons un problème avec l’ANC », a renchéri le chef de l’Alliance démocratique (DA), Mmusi Maimane, devant les députés, appelant une nouvelle fois à la dissolution du Parlement et à des élections anticipées « pour un vrai renouveau » du pays. La DA et les EFF ont infligé un sérieux revers à l’ANC aux élections locales de 2016 et espèrent le priver l’an prochain de la majorité absolue qu’il détient depuis 1994.
Ces dernières semaines, M. Ramaphosa a promis de tourner rapidement la page Zuma, assurant à qui voulait l’entendre que l’Afrique du Sud était entrée dans « une nouvelle ère ». Comme un symbole du changement promis, la police a perquisitionné mercredi le luxueux domicile de la sulfureuse et jusque-là intouchable famille Gupta, au cœur de la plupart des scandales qui impliquent l’ex-président Zuma, et a émis un mandat d’arrêt contre l’un des frères Gupta.