A la fin des plaidoiries de son procès, hier, Khalifa Sall a dégainé ses dernières armes. A travers une déclaration à l’intention du Tribunal et du juge Lamotte, il a clamé encore son innocence, accusant nommément Macky Sall qui, pour des raisons qui lui sont propres, lui a taillé un destin présidentiel. Et cette peur qui ne le quitte plus a déclenché dans son microcosme une hystérie collective qui fait de sa liquidation politique une priorité. D’où sa conviction que «la politique est tout» dans son procès. Mais, devant les accusations portées contre lui et qu’il juge fallacieuses, Khalifa est quitte avec sa conscience car, dit-il, il a toujours su, par devoir et par rectitude morale, garder une distance irréprochable avec le bien public.
«Des actes innommables ont été posés de manière récurrente, dont le seul fondement est de m’amener à renoncer à mon engagement politique au service de mon pays»
Arrêté, emprisonné, objet de plusieurs chefs d’inculpation, Khalifa Sall n’a que ses yeux pour constater l’injustice et son cœur pour juguler sa colère face à cette affaire montée de toutes pièces, dit-il, pour nuire à sa réputation et freiner son élan politique. «Pour moi qui suis entré en politique pour servir notre pays, la colère est grande aujourd’hui de voir mon nom, mon honneur et ma dignité engagés dans une machination de distorsion et d’altération de la vérité», martèle-t-il. Et d’enfoncer ses bourreaux qui auraient tout tenté pour l’amener à taire ses ambitions politiques au profit de Macky Sall. «Des actes innommables ont été posés de manière récurrente dont le seul fondement est de m’amener à renoncer à mon engagement politique au service de mon pays». Mais il se veut très clair sur la question, quitte à en payer les pots cassés. «Je n’abdiquerai jamais face à cette grande injustice qui a fini de mettre à nu la fragilité de notre système politique, sa trop grande dépendance aux desiderata du chef de l’exécutif et l’urgence d’y apporter les réformes nécessaires afin que, plus jamais dans notre pays, un citoyen ne soit inquiété pour ses opinions et dans l’exercice de sa liberté de choisir librement sa voie».
«C’est la politique politicienne, ni élégante dans sa démarche, ni honorable dans l’adversité qui m’a conduit devant votre juridiction»
Crachant ses vérités avant d’être mené à la «guillotine», Khalifa Sall indexe un complot politique qui est la résultante de son refus d’aliéner ses ambitions politiques et celles de son parti à celles de Macky Sall et de l’Apr, à qui il ne trouve rien de plus que le Ps. «La politique est le tout de cette affaire. C’est à cause de mon engagement politique et militant que je suis devant vous. Je suis devant votre juridiction à cause de mon refus de laisser la maison du père être diluée dans une autre entité politique certainement pas plus crédible, ni plus légitime que mon parti dont l’histoire, le présent et le futur se conjuguent avec le passé, le présent et l’avenir du Sénégal», soutient l’édile de Dakar. Qui charge de nouveau : «C’est la politique, celle-là politicienne, ni élégante dans sa démarche, ni honorable dans l’adversité qui m’a conduit devant votre juridiction».
«Le président de la République m’a taillé un destin présidentiel»
Se demandant pourquoi tous ses droits ont été bafoués, y compris par le magistrat instructeur qui a «instruit uniquement à charge», est convaincu qu’on vise à «salir (son) honneur malgré le manque de consistance et l’indigence de l’accusation, comme l’attestent du reste les plaidoiries en tout point remarquables de (leurs) avocats». Suffisant pour qu’il indexe directement le chef de l’Etat et ses affidés. «En vérité, le président de la République du Sénégal, pour des raisons qui lui sont propres, m’a taillé un destin présidentiel. Cette peur qui ne le quitte plus a déclenché dans son microcosme une hystérie collective qui fait de ma liquidation politique une priorité». Visant frontalement le chef de l’Etat, de l’Apr et de Bby, Khalifa Sall tape sur la table. «Est-ce une faute punissable de plusieurs années de prison d’être crédible, honnête et au service de ses concitoyens ? Est-ce un délit que d’être élu deux fois maire de Dakar malgré toutes les tentatives pour m’éjecter de la ville ? Devrais-je aller en prison uniquement parce que le président de la République du Sénégal le veut ? Devrais-je être déchu de mon droit d’être candidat parce que Macky Sall ne veut pas que Khalifa Ababacar Sall devienne son adversaire en 2019 ?», interroge-t-il. En reconnaissance de tout ce que les populations de notre magnifique pays m’ont si généreusement offert, je suis prêt à endurer tout cela et bien plus encore», explique Khalifa Sall qui attend sereinement le verdict du juge. «Quelle que soit la décision du tribunal, je ferai face avec sérénité et dignité et avec la conviction que Dieu, en qui ma confiance est totale, est seul maître de mon destin», conclut-il.
Synthèse de Mbaye THIANDOUM