Le numéro un de Forza Italia a mené la campagne de son parti en dépit de son âge avancé (qui s’avère être son pire ennemi).
ITALIE – Sept ans après sa démission forcée du poste de président du Conseil, Silvio Berlusconi revient sur le devant de la scène politique italienne. La coalition de centre-droit qui rassemble son parti, Forza Italia, la Ligue du Nord de Matteo Salvini et Frères d’Italie de Giorgia Meloni (deux formations nationalistes et eurosceptiques) devrait remporter les législatives de ce dimanche 4 mars, même s’il est probable qu’aucune force politique n’obtienne la majorité absolue au Parlement.
Silvio Berlusconi, qui aura 82 ans en septembre, semble avoir les meilleures cartes en main, malgré une condamnation, les scandales sexuels et autres affaires judiciaires dans lesquelles il est impliqué. Critiqué pendant des années sur sa manière de faire de la politique, souvent taxé de populisme à l’étranger, le leader de Forza Italia est devenu l’homme du centre-droit européen capable d’endiguer les forces anti-système en Italie.
Trois fois président du Conseil, il ne peut cependant briguer un quelconque mandat, suite à sa condamnation pour fraude fiscale en 2013 qui avait conduit à son exclusion du Sénat. La loi « Severino », du nom du ministre de la Justice qui l’a proposée, prévoit l’inégibilité pendant six ans de tout élu condamné à une peine de plus de deux ans. Le « Cavaliere » a présenté un recours contre son application devant la Cour européenne des droits de l’Homme, qui n’a pas encore statué.
En Italie, deux tiers des parlementaires sont élus à la proportionnelle et le tiers restant, au scrutin majoritaire. Dans un système politique où trois camps s’affrontent –droite, gauche et le Mouvement 5 étoiles–, il est probable que personne n’obtienne la majorité pour gouverner. Mais si le centre-droit devait l’emporter, il reviendra au parti qui a obtenu le plus grand nombre de voix de désigner le chef de l’exécutif. Silvio Berlusconi a été, ces vingt dernières années, le leader incontesté de sa formation, mais les rapports de force ont changé. Pour la première fois dans une campagne électorale, Forza Italia n’exerce plus l’hégémonie sur ses alliés, en particulier la Ligue du Nord.
Silvio Berlusconi avait lancé sa campagne sur la perspective de former une grande coalition avec le Parti démocrate de Matteo Renzi mais Matteo Salvini et Giorgia Meloni s’y sont opposés. Le leader de Forza Italia, qui a fait son grand retour sur la scène internationale, s’est rendu à Bruxelles en janvier, où il a rencontré le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, et d’autres hauts responsables du Parti populaire européen (PPE). Vêtu des habits du leader modéré, Silvio Berlusconi a rassuré l’Union sur sa disponibilité aux alliances et fait les louanges d’Angela Merkel.
Il y a quelques jours, il a aussi reçu, à Rome, le chef de file du PPE, l’Allemand Manfred Weber. Oubliés, donc, le discours prononcé en 2003 au Parlement européen, quand l’ex-Premier ministre avait traité Martin Schulz de « kapò », de même que les rires moqueurs d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy en 2011, en réponse à la question d’une journaliste sur la fiabilité de Rome.
Cependant, le climat général de la campagne a éloigné l’idée d’un accord avec le Parti démocrate. Silvio Berlusconi, qui s’est replacé au centre-droit, a parfois été contraint de suivre Matteo Salvini sur des sujets tels que l’immigration. L’incertitude demeure donc sur le nom du candidat de Forza Italia pour le poste de Premier ministre en cas de victoire.
Si son favori n’est autre que l’actuel président du Parlement européen, Antonio Tajani, il n’y a pas encore eu d’investiture officielle, et peut-être n’y en aura-t-il pas. Silvio Berlusconi sait que l’électorat de Forza Italia vote pour lui, et les Italiens pourraient interpréter un oui à Antonio Tajani comme une abdication. Il y a quelques jours, le leader a en effet annoncé qu’il serait disponible en cas d’élections anticipées en 2019, date à laquelle prendra fin son inéligibilité.
Le numéro un de Forza Italia a mené la campagne de son parti en dépit de son âge avancé (qui s’avère être son pire ennemi). Il a en effet subi une opération du cœur en 2016, et été contraint, fin janvier, d’annuler provisoirement ses engagements publics pour cause de fatigue. Lors d’une conférence, devant un parterre d’entrepreneurs, il a assuré avoir été le premier à augmenter le minimum retraite de « mille lires », soit l’équivalent de 50 centimes d’euro. Il a ajouté, à la même occasion, que le PIB de l’économie souterraine italienne s’élèverait à « 800 000 euros », une petite partie du total, et le PIB réel, à « 1600 euros ». Malgré ces glissades verbales, il jouit de la confiance de plus de 20% des électeurs, selon les derniers sondages.
Cet article, publié à l’origine sur le HuffPost italien, a été traduit par Karine Degliame-O’Keeffe pour Fast For Word.
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