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5 mars 2018
Dans le cadre de l’animation de la rubrique « Inventeurs et chercheurs de chez-nous » et pour marquer la célébration de la Journée de la femme, nous avons décidé de revenir sur le parcours de la scientifique sénégalaise Rose Dieng, la première Africaine à entrer à l’Ecole polytechnique de France et à diriger un projet de recherche à l’Institut national de recherche en intelligence artificielle.
Rose Dieng-KUNTZ – Scientifique sénégalaise spécialiste en intelligence artificielle
Ce profil posthume se justifie au moment où des étudiantes inscrites dans des écoles de télécommunications ou informatique nourrissent le rêve de se hisser au niveau d’acquisition de compétences égal à celui de Rose Dieng, la Marie Curie du Sénégal.
Au Sénégal, depuis quelques temps, des jeunes filles inscrites dans des écoles de télécommunications ont promis de se hisser au niveau de compétence de Rose Dieng.
C’était au cours d’une cérémonie où elles ont présenté des applications, des innovations et des startups qui ont convaincu de grands spécialistes de l’informatique, pour ne pas dire de l’économie numérique. Dans cette semaine de la célébration de la femme, l’idée nous est venue de dresser un profil posthume de celle qui est considérée, à raison, comme la Marie Curie sénégalaise.
Rose Dieng est née dans une famille de 7 enfants. Elle a un parcours particulier. C’est la première Africaine à entrer à l’Ecole polytechnique de France. L’admission dans ce prestigieux établissement est, en réalité, le début de couronnement d’une carrière. Déjà au lycée Van Vollenhoven, actuel Lamine Guèye, la collégienne forçait respect et admiration. Elle raflait les premiers prix au Concours général en mathématiques, en français, en latin et arrachait le deuxième prix en grec. C’était en 1972.
L’année qui suit, elle réussit au baccalauréat avec la mention « Très Bien » avec les félicitations du jury. Elle s’envole pour la France où son étoile brillera davantage.
Après l’obtention du diplôme d’ingénieur de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications, elle défendra une thèse en informatique à l’Université de Paris-Sud ; ce qui l’a mise en orbite pour parler comme les astronautes. Rose a marqué l’intelligence artificielle de son empreinte. Ce n’est pas pour ses beaux yeux qu’elle fut directrice de recherche et responsable scientifique du projet « Acquisition des connaissances pour l’assistance à la conception par interaction entre agents (Acacia) à l’Institut national de recherche en intelligence artificielle. C’est la deuxième à arriver à ce poste de responsabilité.
Acquisition et partage de connaissances
Son équipe de recherche a produit des documents de référence dans le domaine du « Web sémantique » et du langage « Xml ». Leurs travaux apportent une contribution inégalée à la construction de serveurs de connaissances et surtout de mémoire d’entreprises en vue de permettre à de grands groupes industriels de matérialiser et d’indexer leurs connaissances afin d’en améliorer l’accès, le partage et la réutilisation, voire la création de nouvelles connaissances. « Visionnaire, tenace et engagée, Rose a donc su, depuis plus de dix ans, faire partie de ces pionniers qui ont exploré et étendu les potentialités du Web. Dynamisées par de très nombreuses collaborations industrielles et académiques, les recherches de Rose et de son équipe se sont notamment concrétisées par un ouvrage collectif de synthèse, référence rééditée à plusieurs reprises ces dernières années, et par un moteur de recherche permettant de traiter des ressources dans le cadre du Web sémantique, pour des scénarios très variés (mémoire de projet, mémoire d’expériences, aide à la veille technologique, etc.) », avait témoigné le directeur du Centre Inria Sophia-Antipolis et président général de l’Inria, Bernard Larroutuou. Rose était dans un champ de compétences très vaste allant des fondements théoriques de l’informatique jusqu’aux apports du traitement de la langue naturelle. « Au niveau du futur, ma vision est celle d’un Web de connaissances reliant individus, organisations, pays et continents. Les travaux que nous visons pour améliorer la coopération entre entreprises et communautés via la constitution de « Web de connaissances » sont en phase avec l’objectif visé par l’Europe d’évoluer d’une « société d’information » vers une « société de connaissances », avait commenté Rose Dieng-Kuntz. Le Prix Irène Joliot Curie a été attribué à Rose en reconnaissance à ses compétences en 2005. L’année suivante, elle est élevée au grade de Chevalier de la Légion d’honneur française. En France, une rue du Parc d’innovation de la Chantrerie au Nord-Est de Nantes ainsi qu’une place de Campus de Paris-Saclay sont baptisées à son nom. Au Sénégal, à part l’annexe du Lycée Birago de Golf Sud, aucune école, aucun bâtiment, aucune université ne porte le nom de Rose Dieng.
D’ailleurs, les témoignages les plus émouvants et les plus touchants ont été formulés par les scientifiques et autorités françaises après sa disparition, le 30 juin 2008.
« Au-delà de sa personnalité exceptionnelle, de l’exemplarité de son parcours académique et professionnel, nous louons les qualités de visionnaire de Rose Dieng-Kuntz, une scientifique qui a su s’attaquer très tôt au problème de la modélisation des connaissances et de leur acquisition », a loué le directeur de l’Inria Sophia-Antipolis qui témoigne à Rose une audace scientifique, une grande confiance en soi, un rare esprit d’indépendance.
Elle vivait en France, mais elle était attachée à sa terre natale. Elle n’a jamais voulu prendre la nationalité française comme presque l’essentiel des scientifiques de notoriété scientifique transcendant les frontières. Elle était restée en France parce qu’elle n’était pas sûre de mener une carrière au Sénégal où la recherche en informatique était inexistante.
Idrissa SANE – Le Soleil