La cour d’appel de Paris confirme le jugement rendu il y a dix-huit mois. Les biens de Karim Wade en France ne pourront être saisis.
Par Joan Tilouine
LE MONDE Le 14.03.2018
La saisie des biens en France de l’ancien ministre sénégalais Karim Wade et de l’homme d’affaires Ibrahim Aboukhalil, dit Bibo Bourgi, n’aura pas lieu. Ce n’est pas faute pour l’Etat du Sénégal d’avoir essayé, voire de s’être acharné pour obtenir la confiscation de deux biens immobiliers dans le 16earrondissement de Paris et d’un compte bancaire. Il n’en sera rien. Mercredi 14 mars, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 26 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris refusant la demande du Sénégal.
L’infraction d’« enrichissement illicite » si chère à la justice sénégalaise, qui a ainsi condamné les deux hommes en 2015, année de la demande d’entraide pénale internationale de l’Etat du Sénégal, n’est pas reconnue en droit français. Le magistrat parisien a ainsi cherché des qualifications conformes aux textes de loi des crimes présumés : de la corruption au blanchiment de fonds en passant par les abus de biens sociaux. Mais rien n’a pu être établi.
La Cour de répression de l’enrichissement illicite désavouée
Le fils de l’ancien président du Sénégal Abdoulaye Wade (2000-2012) et son ami, que la justice sénégalaise considère comme son « prête-nom », ont eu gain de cause. Le jugement de la controversée Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) se trouve désavoué.
« L’Etat du Sénégal a exercé des pressions incroyables mais nous sommes enfin dans le respect du droit, dans un Etat de droit imperméable à toute instrumentalisation, dit Corinne Dreyfus-Schmidt, avocate de M. Aboukhalil. La CREI et ses violations des standards du droit international en matière de procès équitable sont enfin reconnues par cette décision. »
Condamné à six ans de prison ferme et à une amende de 138 milliards de francs CFA (209 millions d’euros) pour « enrichissement illicite », Karim Wade a été gracié, de même que M. Aboukhalil, par le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, en 2016. Après trois ans de détention à la prison de Rebeuss, à Dakar, Karim Wade s’est installé au Qatar. M. Aboukhalil, qui a souffert de graves problèmes de santé, a rejoint la France.
Briguer la magistrature suprême
« La justice sénégalaise a été instrumentalisée. La détention de Karim Wade était arbitraire et l’arrêt de la CREI est dépourvu de toute valeur juridique », souligne le collectif des avocats sénégalais et français de M. Wade. Et de poursuivre sur un registre plus politique : « Aucune nouvelle manipulation de la justice sénégalaise n’empêchera Karim Wade d’exercer ses droits civils et politiques pour une candidature effective à l’élection présidentielle de février 2019. »
Aujourd’hui âgé de 49 ans, Karim Wade ne cache plus son intention de briguer la magistrature suprême. En 2013, au lendemain de sa condamnation par la CREI, le ministre de la justice, Sidiki Kaba, avait précisé que la cour spéciale avait « écarté l’interdiction de l’exercice des droits civiques, civils et de famille prévue par l’article 34 du code pénal », réfutant l’existence de tout « projet politique pour couler un adversaire ».
Sa formation politique, le Parti démocratique sénégalais, a récemment réaffirmé sa volonté de faire de Karim Wade son candidat à l’élection présidentielle. D’ici là, à Doha, d’où il suit l’évolution politique de son pays et s’entretient régulièrement avec ses relais, il prépare son retour à Dakar, où il pourrait être attendu de pied ferme.