par Jack Stubbs et Laila Bassam
Reuters16 avril 2018
par Jack Stubbs et Laila Bassam
MOSCOU/DAMAS (Reuters) – Vladimir Poutine a estimé dimanche que de nouvelles frappes occidentales contre la Syrie entraîneraient un chaos mondial, tandis que Washington se préparait à renforcer la pression sur la Russie avec de nouvelles sanctions économiques.
Lors d’un entretien téléphonique au lendemain des frappes coordonnées menées en Syrie par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, le président russe et son homologue iranien Hassan Rohani, principaux alliés du président syrien Bachar al Assad, ont jugé que ces frappes avaient diminué les chances de parvenir à une solution politique en Syrie.
« Vladimir Poutine en particulier a souligné que, si de telles actions, commises en violation de la Charte des Nations unies se reproduisaient, alors cela mènerait inévitablement au chaos dans les relations internationales », lit-on dans le communiqué du Kremlin.
Nikki Haley, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’Onu, a déclaré lors de l’émission « Face the Nation » sur la chaîne de télévision CBS que les Etats-Unis annonceraient de nouvelles sanctions économiques lundi à l’encontre des entreprises russes soupçonnées d’avoir un lien avec l’arsenal chimique syrien.
Les Etats-Unis, a-t-elle ajouté sur la chaîne Fox News, ne retireront pas leurs troupes en Syrie tant que leurs objectifs n’auront pas été atteints, à savoir : avoir la certitude qu’aucune arme chimique ne puisse être utilisée de manière à constituer une menace pour les intérêts des Etats-Unis, que le groupe Etat islamique soit vaincu et que les Etats-Unis soient en mesure de surveiller les activités iraniennes.
SANCTIONS « DURES »
En réponse, le sénateur russe Evguéni Serebrennikov, vice-président de la Commission de défense du Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement russe, a déclaré que les sanctions seraient « dures » pour la Russie, mais qu’elles feraient « plus de dégâts aux Etats-Unis et à l’Europe ».
Samedi, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont lancé 105 missiles ciblant ce que le Pentagone a dit être trois installations d’armes chimiques en Syrie en représailles au bombardement chimique imputé au régime de Bachar al Assad le 7 avril dernier à Douma dans la Ghouta orientale.
Le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson a déclaré que les puissances occidentales ne prévoyaient pas d’autres frappes de missiles, mais que si Damas utilisait à nouveau des armes chimiques, elles referaient le point.
« Il ne s’agit pas d’un changement de régime (…) Il ne s’agit pas d’inverser le cours du conflit en Syrie », a déclaré le secrétaire au Foreign Office à la BBC, soulignant que la Russie était le seul pays à pouvoir faire pression sur Assad pour qu’il mette un terme au conflit.
Emmanuel Macron a déclaré avoir dit à Vladimir Poutine, lors d’un entretien téléphonique vendredi, que la Russie était « complice » en Syrie et avoir convaincu le président américain Donald Trump de limiter les frappes de samedi.
« Bien sûr qu’ils sont complices, ils n’ont pas eux utilisé le chlore mais ils ont construit méthodiquement l’incapacité de la communauté internationale par la voie diplomatique à empêcher l’utilisation d’arme chimique », a déclaré le président français dans un entretien accordé à BFM, RMC et Mediapart.
A Damas, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Faiçal Mekdad, a rencontré des inspecteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pendant trois heures en présence de représentants de la Russie et d’un haut responsable de la sécurité syrienne.
« DE BONNE HUMEUR »
Les inspecteurs de l’OIAC devaient se rendre sur le site de Douma. Moscou a condamné les Etats occidentaux pour avoir refusé d’attendre les conclusions de l’OIAC avant de frapper la Syrie.
Le président Assad a déclaré dimanche à un groupe de parlementaires russes en visite que les frappes de missiles occidentaux constituaient un acte d’agression.
Les députés russes ont trouvé Assad de « bonne humeur ». Ce dernier a fait l’éloge du système de défense anti-aérienne de l’armée syrienne, qui date de l’époque soviétique, pour repousser les attaques occidentales.
Donald Trump a déclaré « mission accomplie » après les frappes, mais, au Pentagone, le général américain Kenneth McKenzie a déclaré que des éléments du programme chimique syrien subsistaient et qu’il ne pouvait pas garantir que la Syrie soit incapable de mener une attaque chimique à l’avenir.
Les dirigeants de la Ligue arabe ont condamné l’utilisation « criminelle » d’armes chimiques en Syrie et appelé à une enquête internationale.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exprimé dimanche son « plein soutien » aux frappes aériennes de samedi.
Le Hezbollah libanais, allié du régime syrien, a déclaré que les frappes occidentales n’avaient servi à rien.
Son chef Hassan Nasrallah a déclaré que l’armée américaine avait limité ses frappes parce qu’elle savait qu’une attaque plus large déclencherait des représailles de la part de Damas et de ses alliés et enflammerait la région.
« L’armée américaine sait bien qu’aller vers une large confrontation et une grande opération contre le régime et l’armée et les forces alliées en Syrie pourrait ne pas finir, et qu’une telle confrontation enflammerait toute la région », a déclaré Nasrallah.
A l’Onu, la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont présenté samedi soir un projet de résolution visant à établir une nouvelle enquête indépendante sur les responsables des attaques d’armes chimiques en Syrie.
Les diplomates ont déclaré que les négociations sur le projet de résolution commenceraient lundi.
(Elizabeth Piper et Tom Perry, avec Phil Stewart, Jeff Mason, Steve Holland, Idées Ali, Yara Bayoumy, Matt Spetalnick et Joel Schectman à Washington, Michelle Nichols à New York, Samia Nakhoul, Tom Perry, Ellen Francis et Angus McDowall à Beyrouth, Kinda Makieh à Barzeh, Michael Holden et Guy Faulconbridge à Londres, Andrey Ostroukh et Jack Stubbs à Moscou; Pierre Sérisier, Nicolas Delame et Danielle Rouquié pour le service français)