18/05/18 16h15
PAR
Guillaume Narduzzi-Londinsky
Un rapport sur l’action publique dans le département de la Seine-Saint-Denis va bientôt être présenté à l’Assemblée Nationale. Et celui-ci n’est pas vraiment flatteur.
Depuis plusieurs décennies, la Seine-Saint-Denis cristallise l’attention des élus. De quoi en faire un point stratégique, puisque pas moins de 2 700 visites officielles de politiques y ont eu lieu ces dix dernières années. Le département est devenu un symbole des « territoires urbains fragiles », et cumule nombre de promesses de la part des politiques. Pourtant, très peu d’entre elles aboutissent, comme le relate nos confrères du Monde.
« La République en échec »
Les députés François Cornut-Gentille (Les Républicains, Haute-Marne) et Rodrigue Kokouendo (La République en marche, Seine-et-Marne) arrivent à cette conclusion dans « un rapport d’évaluation de l’action de la puissance publique dans le département », qui sera présenté à l’Assemblée Nationale le 31 mai prochain. Titré « la République en échec », il souligne les défaillances d’un État à la fois « inégalitaire et inadapté » envers le 93.
Le département figure à la troisième place des plus gros contributeurs nationaux à la TVA et attire de nombreuses entreprises, mais rassemble aussi des points bien plus négatifs. Ainsi, la Seine-Saint-Denis accueille les habitants les plus pauvres de la France métropolitaine, possède le taux de chômage le plus élevé de l’Île-de-France, et son taux de criminalité est le plus important du pays.
Manque de moyen critique
Car le 93 est toujours victimes d’un manque de moyens considérable. « Des sous-effectifs injustifiables à mission égale », peut-on lire dans le rapport. À titre d’exemple, les officiers de police judiciaire (OPJ) représentent 9,4 % des effectifs, contre 16,9% à Paris, 15,2 % dans le Val-de-Marne ou encore 12,4% dans les Hauts-de-Seine. « L’absence de véritable stratégie des ressources humaines (…) a fait de la Seine-Saint-Denis une école de formation bis pour les fonctionnaires stagiaires ou débutants », poursuit le rapport.
Ce qui provoque des absences injustifiées en pagaille, dans tous les secteurs où officient des fonctionnaires. Les écoles manquent de professeurs, qui très souvent ne sont pas remplacés, et les affaires judiciaires mettent « un temps très long » à aboutir, comme l’explique Olivier Klein, maire (PS) de Clichy-sous-Bois et président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
La grande méconnaissance du 93
« Le moins bien doté des établissements scolaires parisiens reste mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine-Saint-Denis », avance Benjamin Moignard, sociologue interrogé pour ce rapport. À Aubervilliers, le délai pour une audience au tribunal peut atteindre douze mois, contre deux seulement à Paris.
Mais la méconnaissance du département semble être à l’origine de cette situation désastreuse et injuste. Selon les rapporteurs, l’éducation nationale ne connaît pas réellement le niveau des élèves de Seine-Saint-Denis, et les estimations d’étrangers en situation irrégulière sont très vastes, allant de 150 000 à 400 000. Et sans des chiffres précis, les politiques semblent effectivement avoir tout le mal du monde à proposer des réponses adaptées aux problèmes qui gangrènent tout un département depuis des années.