Par Emmanuel Paquette, publié le 18/07/2018
REUTERS/Francois Lenoir
La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a justifié la lourde sanction infligée au géant américain.
Du simple au double. Pour la deuxième fois, Google est sanctionné par Bruxelles pour abus de position dominante. Après avoir payé une première amende de 2,4 milliards d’eurosen juillet 2017 pour avoir privilégié son comparateur de prix, Shopping, sur son moteur de recherche (un appel est en cours), la société de Mountain View, Californie, est cette fois condamnée pour Android, son système d’exploitation sur smartphone.
Le montant de la nouvelle facture atteint 4,34 milliards d’euros, soit la plus grosse pénalité jamais infligée à une entreprise. « Il s’agit de sanctionner un comportement illégal très grave, a indiqué Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence lors d’une conférence de presse. Sa durée, son importance, et le chiffre d’affaire réalisé par cette activité nous ont permis de calculer le montant de cette amende ».
La femme politique danoise reproche à Google trois agissements. Le premier concerne l’obligation faite aux fabricants de smartphone de pré-installer le navigateur Internet Chrome et l’application du moteur de recherche s’ils veulent utiliser Android et sa boutique en ligne le Play Store. « Nous avons pu constater que seulement 1% des utilisateurs téléchargeaient ensuite une autre application pour réaliser des recherches et uniquement 10% installaient un navigateur concurrent « , a ajouté la commissaire.
Le précédent Amazon et FireOS
Ensuite, certains opérateurs de télécommunications et des constructeurs de téléphone étaient rémunérés (partage de revenus) s’ils pré-installaient Google Search. Enfin, le groupe a empêché le développement de versions d’Android concurrentes. « En 2012, 2013, Amazon a approché des fabricants pour équiper leurs terminaux de son logiciel FireOS, a détaillé Margrethe Vestager. Mais Amazon n’a pas réussi à les convaincre ».
Désormais, la firme de Mountain View a 90 jours pour changer ses contrats, sous peine de devoir payer des pénalités supplémentaires. Elle a déjà annoncé qu’elle faisait appel de cette décision. L’Open Internet Project, regroupant plusieurs acteurs du secteur des médias, comme l’Allemand Axel Springer ou la société de gestion des droits, la Sacem, se sont félicités de cette décision.
En revanche, Sundar Pichai, le PDG de Google, s’est fendu d’un billet pour critiquer l’analyse de Bruxelles estimant avoir « donné plus de choix pour tous et pas moins ». » La décision de la Commission menace l’équilibre de tout l’écosystème Android. C’est ce modèle qui nous a permis de ne pas faire payer les constructeurs de téléphones ni de dépendre d’un modèle de distribution fermé et strictement contrôlé », a-t-il ajouté.
Le responsable souligne aussi que l’an dernier, 94 milliards d’applications ont été téléchargées dans le monde entier et que 1,6 millions d’Européens gagnent de l’argent en développant des applications sur cette plateforme.
« Elle déteste les Etats-Unis », selon Donald Trump
Cette sanction tombe en pleine guerre commerciale entre les Etats-Unis et l’Europe, et une semaine avant la rencontre à Washington entre le président américain Donald Trump et celui de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Lors de leur dernier tête-à-tête au Québec, au sommet du G7 en juin, le locataire de la Maison-Blanche avait qualifié la commissaire à la concurrence de « Dame de taxes » après les amendes infligées à Apple, Qualcomm et Google. Et d’ajouter: « Elle déteste les Etats-Unis ».
Margrethe Vestager lui a répondu aujourd’hui. « J’aime les Etats-Unis, leur culture. Mais cela n’a rien à voir avec mes sentiments. Rien du tout. L’application du droit, s’applique partout dans le monde, et nous ne le faisons pas en fonction d’un contexte politique ».