le Mercredi 22 Août 2018
Samir fut un aimable et brillant collègue. Il avait la particularité d’être un économiste qui se battait pour le Tiers-Monde, pour reprendre le mot d’Alfred Sauvy. Nous étions collègues à la Faculté de droit et des Sciences économiques de l’Université de Dakar, les deux seuls enseignants africains noyés dans l’assistance technique.
Samir écrivait beaucoup et vite. Si on discutait d’un sujet le soir, quelques jours seulement après, il nous présentait le livre traitant la question. Je ne suis pas sûr qu’un seul de ses nombreux disciples ait lu tout ce qu’il a écrit. En bon enseignant, il cultivait les formules frappantes qui se répétaient facilement. A force de travail et d’être sur tous les fronts, au cœur du groupe des économistes du Tiers- monde et d’une économie du Tiers-Monde, il était devenu célèbre aux quatre coins du monde.
Personnellement, je n’ai jamais appartenu à ce groupe dit des économistes ‘’Tiers mondistes’’. Le néoclassique que j’étais, usant de l’analyse de forces mathématiques, trouvait peu rigoureuse une approche qui nous paraissait relever plutôt de l’incantatoire que de la science. Je suis resté ricardien et, par la suite, keynésien. Je suis même le dernier keynésien qui s’attache au maître quand tout le monde déclare l’abandonner. Je dis bien ‘’déclarent’’ car, en fait, ils font tous du keynésianisme comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
Samir est parti après une vie de lutte contre l’exploitation.
Empruntons pour lui ce dicton béninois, ‘’personne n’a les fesses assez larges pour occuper sa place’’. Il reste parmi nous.
Professeur Abdoulaye Wade
Ancien Doyen de la Faculté de droit et des Sciences économiques
de l’Université de Dakar, Sénégal ;
Ancien Président de la République du Sénégal.
Dubaï 18 août 2018