- Par Le figaro.fr AFP agence
- Mis à jour le 09/09/2018
- Publié le 09/09/2018
En tant que directeur général du Fonds monétaire international de 2007 à 2011, Dominique Strauss-Kahn était aux premières loges de la crise financière qui a ébranlé le monde, avec pour point d’orgue la faillite de la banque américaine le 15 septembre 2008. Dix ans après, il revient sur ces événements dans un entretien accordé à l’Agence France Presse.
Notre monde est aujourd’hui «moins bien préparé» qu’en 2008 pour faire face à une nouvelle crise financière, estime Dominique Strauss-Kahn. Interviewé par l’AFP à l’approche du dixième anniversaire de la faillite de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers, intervenue le 15 septembre 2008, celui qui était alors patron du Fonds monétaire international ne cache pas son pessimisme. L’ex-directeur général, dont la carrière s’est brutalement interrompue au printemps 2011 lors du scandale du Sofitel, estime par ailleurs que la montée du populisme est un «produit direct de la crise», dont la gestion a favorisé les inégalités, contribuant notamment à l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Voici ses déclarations.
Sur l’imminence d’une crise mondiale
«À mon arrivée au FMI le 1er novembre 2007, il apparaît assez rapidement que les choses ne vont pas bien. Si bien qu’en janvier 2008, à Davos, je fais une déclaration qui a fait un peu de bruit, demandant une relance mondiale que je chiffre à l’époque à 2% du PIB de chaque pays. En avril 2008, lors des réunions de printemps du FMI, nous lâchons le chiffre de 1000 milliards de besoins des banques en recapitalisation.»
L’administration Bush inconsciente du danger
«Le secrétaire au Trésor Henry Paulson décide de ne pas sauver Lehman afin d’en faire un exemple au nom du hasard moral. Lui, comme les autres, a sous-estimé considérablement les conséquences. Laisser couler Lehman a été une grave erreur. D’autant que la semaine suivante, ils ont été contraints de sauver l’assureur AIG qui était bien plus gros.»
Dix ans après, un monde moins bien armé
«Nous avons fait quelques progrès, notamment dans les ratios de capitalisation des banques. Mais c’est très insuffisant. Imaginez que demain la Deutsche Bank ait des difficultés, ce n’est pas les 8% de capital dont elle dispose qui vont résoudre le problème. En vérité, on est moins bien préparé. La régulation est insuffisante.»
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«À partir de 2012-2013, on abandonne finalement le thème de la nécessité d’une économie régulée, par exemple sur la taille des banques (le «too big to fail» – «trop grosse pour faire faillite», ndlr) ou sur les agences de notation. On est totalement revenu en arrière, d’où mon pessimisme sur notre préparation. On est dans une sorte d’impensé de la globalisation et cela ne donne pas de bons résultats.»
Risque d’impuissance du FMI
«La coordination a très largement disparu. Plus personne ne joue ce rôle, ni le FMI, ni l’UE et la politique du président des États-Unis n’aide pas. Par conséquent, la mécanique qui avait été mise en place au G20, extrêmement salutaire car elle associait les pays émergents, a volé en éclats. Il y a dix ans les États avaient accepté de laisser ce rôle au FMI. Je ne suis pas sûr qu’il puisse le jouer aujourd’hui, mais l’avenir le dira.
Trump président, conséquence de la crise
«Je ne dis pas qu’il n’y ait qu’une seule cause à l’arrivée de Trump, mais les situations politiques aujourd’hui ne sont pas sans lien avec la crise que nous avons connue, aussi bien aux États-Unis avec Trump qu’en Europe.»