En dénonçant le manque de solidarité envers les migrants, le pape François attaque Matteo Salvini. Mais Jorge Bergoglio n’est pas le pape du ministre de l’Intérieur.
De notre correspondant à Rome, Dominique Dunglas
Publié le 07/01/2019
Le pape François en octobre 2018 à Rome.
© MaxPPP/ RAFFAELLA MIDIRI
C’est un pape François visiblement courroucé qui, lors de l’angélus dominical, a imploré les pays européens de mettre fin au calvaire des 49 migrants, dont plusieurs enfants, récupérés en mer par deux navires d’ONG et qu’aucun pays de l’Union ne veut accueillir. « Je lance un appel pressant pour que les dirigeants européens fassent preuve de solidarité à l’égard de ces personnes. » Le souverain pontife n’a pas nommé l’Italie, mais, lorsqu’il évoque depuis la place Saint-Pierre le sort des migrants qui risquent leur vie dans la mer en tempête du canal de Sicile, nul ne doute que c’est à l’exécutif transalpin, et plus précisément au ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, qu’il s’adresse. Et des prélats proches du pape font preuve de moins de diplomatie. « Le pape a raison : quand la peur de perdre des voix est plus forte que l’amour et la solidarité, le monde devient plus barbare », a déclaré l’archevêque Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie. De son côté, l’évêché de Turin s’est proposé d’accueillir à ses frais les 49 migrants. Matteo Salvini refuse néanmoins d’ouvrir les ports transalpins. « Tant que serai ministre, pas un migrant ne mettra le pied en Italie. Les bobos de gauche, les chanteurs engagés ou les évêques peuvent protester. »
L’Église, seule opposition à Salvini
Alors que la gauche, perdue dans une éternelle guerre des chefs, est évanescente, l’Église apparaît aujourd’hui comme la seule opposition morale à la dérive xénophobe du gouvernement populiste. En juin, le pape Francesco avait été encore plus explicite en priant « pour le pardon de ceux qui ferment les ports aux migrants. » « Je n’ai à demander pardon de rien », avait répondu Salvini. L’hebdomadaire Famille chrétienne, le plus diffusé dans la péninsule, a pris la tête d’une croisade contre le « décret sécurité » qui abolit le statut de réfugié humanitaire et prive d’assistance sociale les demandeurs d’asile politique. Avvenire, le quotidien de la Conférence épiscopale italienne, évoque désormais le démon pour stigmatiser le ministre de l’Intérieur.
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Un comble pour Matteo Salvini, qui, lors de la campagne électorale, avait exhibé dans un meeting une bible et un rosaire. Mais l’Église de Matteo Salvini n’est pas celle du pape François. Il arbore régulièrement un tee-shirt qui déclame « Mon pape est Jean-Paul II ». Lorenzo Fontana, proche conseiller de Matteo Salvini et ministre de la Famille opposé au mariage homosexuel et à l’avortement, est un ardent défenseur de Dignitatis humanae, le think tank traditionaliste qui s’est installé, sous la houlette de Steve Bannon, dans la chartreuse de Sultry, à une cinquantaine de kilomètres de Rome, pour devenir l’Académie mondiale de défense de l’Occident chrétien. Le président d’honneur de Dignitatis humanae n’est autre que Raymond Burke, le cardinal ultraconservateur américain qui mène au Vatican la fronde contre le pape François.