Paris (AFP) – La holding du distributeur Auchan, en difficulté, a annoncé vendredi avoir essuyé une lourde perte nette de 1,5 milliard d’euros au premier semestre, qu’elle met sur le compte de ses activités en cours de cession, notamment ses filiales de distribution en Italie et au Vietnam.
Hors ces « éléments exceptionnels », qui comprennent également la vente en cours de sa banque Oney, le groupe nordiste affiche sur la même période un bénéfice de ses « activités poursuivies » de 124 millions d’euros, précise-t-il dans un communiqué.
Propriété de l’Association familiale Mulliez (AFM), Auchan Holding avait déjà publié une perte nette de 1,145 milliard d’euros pour l’ensemble de l’année 2018. Le groupe a entamé depuis un vaste plan de « redressement », en procédant à de nombreuses cessions afin d’assainir ses comptes.
Ainsi, du fait de la vente de ses activités bancaires (Oney) à la BCPE, le groupe s’est recentré sur deux pôles: la distribution (Auchan Retail) et l’immobilier (Ceetrus).
La perte nette de 1,5 milliard d’euros enregistrée au 30 juin 2019 intègre principalement « le résultat de la cession des activités d’Auchan Spa », la filiale d’Auchan Retail en Italie, qui a été conclue au 31 juillet, précise le communiqué.
« Nous avons été amenés à arbitrer sur certains sujets et la démarche, hors exceptionnels, commence à porter ses fruits (…) La décision de céder l’activité en Italie et au Vietnam en est la preuve même si elle pèse lourdement sur nos résultats », a estimé Edgard Bonte, président exécutif de cette branche, cité dans le communiqué.
Le produit des activités ordinaires – l’équivalent du chiffre d’affaires – d’Auchan Holding s’établit pour sa part à près de 23 milliards d’euros, en baisse de 2,6% sur un an, en raison notamment de variations défavorables des taux de change.
Fin avril, conformément au plan de redressement de son pôle distribution, le groupe avait lancé la cession de 21 sites en France, concernant potentiellement entre 700 et 800 salariés. Dans l’Hexagone, il compte 637 magasins sous enseigne et emploie 73.800 collaborateurs.
Organigramme d’Auchan : un directoire et 3 branches
Business case Changement d’organisation et nouvel homme fort pour le distributeur nordiste.
Le renouveau du top management se poursuit dans la grande distribution française. Après la désignation, au printemps dernier, d’un jeune président pour les Mousquetaires (Intermarché), Auchan a promu un nouveau dirigeant au sein d’une organisation totalement revue, opérationnelle depuis deux semaines.
L’épisode « préfigure ce qui va suivre pour Carrefour, Leclerc et Système U », assure Yves Marin, senior manager chez Kurt Salmon. Des fins de mandat vont intervenir pour les patrons en poste et après des années propices à des profils de gestionnaires de temps de crise, les enseignes ont envie de « renouveler les compétences, dans une dynamique de croissance », analyse le consultant.
La société en a profité pour revoir sa structure juridique : Groupe Auchan s’est transformé en Auchan Holding et s’est doté d’un conseil de surveillance et d’un directoire.
L’instance de contrôle est présidée par l’ancien président du conseil d’administration, Vianney Mulliez, fils d’un cousin germain du fondateur, Gérard Mulliez.
Double « reset »
Le directoire, cellule de commandement opérationnel, est composé de quatre membres : un secrétaire général, Xavier de Mézerac (Essec, Harvard), par ailleurs président non exécutif de Banque Accord, et trois dirigeants de branche. Car le fonctionnement de l’entreprise s’adosse désormais à ses trois grandes activités : l’immobilier commercial avec Immochan, qui reste dirigé par Benoît Lheureux ; la banque (Oney Banque Accord), toujours chapeautée par Jean-Pierre Viboud, et le commerce alimentaire, désormais regroupé, tous formats confondus, dans le giron de la nouvelle division Auchan Retail, dirigée par Wilhelm Hubner.
Confronté à sa surexposition aux hypermarchés et à la guerre des prix qui s’y livre, le distributeur nordiste lance là un double signal, procédant tout à la fois à un « reset » de son mode de fonctionnement et des hommes aux avant-postes.
Alors qu’il dirige une branche qui représente 95 % du chiffre d’affaires global et a été nommé à la présidence du directoire, Wilhelm Hubner apparaît comme le nouvel homme fort du groupe . Depuis 2014, cet ingénieur mécanicien diplômé de l’IAE de Lille était directeur général d’Auchan Russie, après en avoir dirigé les ventes des hypermarchés. « Le marché russe est une réussite majeure pour le groupe et Auchan est le seul distributeur au monde à avoir réussi une telle percée, explique Yves Marin. Et Wilhelm Hubner a largement contribué à cette situation. » Une prouesse récompensée pour celui qui commença comme manager de rayon, avant d’être directeur opérationnel des activités de l’Ile-de-France.
Réunir hypermarchés, supermarchés, commerces de proximité, drive et e-commerce au sein d’une même division « reflète la montée de l’omnicanal », décode Yves Marin.
« L’organisation par formats, et qui fonctionnait bien il y a vingt ans, était devenue très bloquante pour le développement du e-commerce », analyse de son côté Olivier Macard, associé EY. « Cette grande branche Retail transversale supprime les problématiques de silos, avec des organisations et des indicateurs de performance propres, alors que le sujet de fond des distributeurs consiste aujourd’hui à faire travailler les formats ensemble », explique ce dernier. Au demeurant, avec sept présidents exécutifs de pays et six directeurs de fonctions transversales d’appui, l’architecture de la division Retail suscite quelques interrogations. Quoi qu’il en soit, avec sa nouvelle organisation, le groupe de distribution indique son intention de se mettre en ordre de bataille pour aborder une nouvelle phase. Cela devrait « lui permettre de faciliter sa transformation digitale », décode Olivier Macard. La composition du comité de direction France sera annoncée très prochainement.