Les Américains s’engagent à entamer un retrait graduel de leurs troupes, pour les ramener d’environ 13 000 actuellement à 8 600 d’ici 135 jours.
Source AFP
L’image est historique. Samedi 29 février, les États-Unis et les talibans afghans ont signé un accord de paix à Doha, au Qatar. Cet accord ouvre la voie à un retrait total des troupes américaines après 18 ans de guerre et à des négociations de paix interafghanes inédites. L’accord, négocié pendant un an et demi au Qatar, a été signé par les principaux négociateurs des deux parties ennemies, Zalmay Khalilzad côté américain et le chef politique des talibans Abdul Ghani Baradar, en présence du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo. Khalilzad et Baradar se sont serré la main sous les applaudissements et les cris « Allah Akbar ».
Ce texte n’est pas un accord de paix à proprement parler, car les autorités afghanes, elles-mêmes aux prises avec les divisions nées d’une élection présidentielle contestée, ont jusqu’ici été tenues à l’écart de ces pourparlers directs sans précédent. Mais les Américains s’engagent à entamer immédiatement un retrait graduel de leurs troupes, pour les ramener d’environ 13 000 actuellement à 8 600 d’ici 135 jours.
Un calendrier de principe prévoit le retrait total de toutes les forces étrangères d’Afghanistan « au cours des 14 mois suivant la signature de l’accord », selon le texte. Leur départ est toutefois lié au respect par les talibans, les insurgés afghans, de leurs engagements sécuritaires et aux progrès dans les négociations interafghanes à venir, ont précisé de hauts responsables américains.
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En contrepartie de cette revendication clé des talibans, ceux-ci s’engagent à bannir tout acte de terrorisme depuis les territoires afghans qu’ils contrôlent et à entamer de véritables négociations de paix avec le gouvernement de Kaboul avec lequel ils refusaient jusqu’ici de parler. Ces négociations interafghanes doivent commencer d’ici le 10 mars, selon l’accord, probablement à Oslo.
Une des promesses de Donald Trump
« Si les talibans ne respectent pas leurs engagements, ils perdront leur chance de s’asseoir avec les autres Afghans et de délibérer de l’avenir de leur pays », a lancé le chef du Pentagone Mark Esper, qui était lui à Kaboul pour signer une déclaration conjointe avec le gouvernement afghan. « Les États-Unis n’hésiteraient pas à annuler l’accord », a-t-il prévenu. De leur côté, les talibans assurent qu’ils respecteront leurs engagements, sans donner de précisions. « Puisque l’accord est signé aujourd’hui, et que notre peuple est heureux et le célèbre, nous avons arrêté toutes nos opérations militaires dans tout le pays », a fait valoir à l’Agence France-Presse à Kaboul Zabihullah Mujahid, porte-parole des talibans.
Dans l’immédiat, Donald Trump brandira le pacte pour clamer, en campagne pour sa réélection dans huit mois, qu’il a tenu une de ses promesses phares : mettre fin à la plus longue guerre des États-Unis. Malgré les critiques de certains observateurs qui estiment qu’elle concède trop pour trop peu, l’administration Trump assure que les garanties fournies par les insurgés répondent à la raison première de l’intervention américaine, lancée en représailles aux attentats du 11 septembre 2001 ourdis par Al-Qaïda depuis l’Afghanistan alors dirigé par les talibans.
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Aux termes de l’accord, « les talibans n’autoriseront aucun de leurs membres, ou d’autres individus ou groupes, dont Al-Qaïda, à utiliser le sol afghan pour menacer la sécurité des États-Unis et de leurs alliés ». « C’est un premier pas décisif et historique quant à leur reconnaissance publique qu’ils rompent les liens avec Al-Qaïda », a assuré un responsable américain. Saluant la « meilleure chance de paix en une génération », Mike Pompeo a appelé les talibans à « tenir la promesse de rupture avec Al-Qaïda », et à ne pas « crier victoire ».
Une « réduction de la violence »
Les responsables américains se disent aussi rassurés par la période de « réduction de la violence » de sept jours globalement respectée par les États-Unis, les talibans et les forces afghanes préalablement à la signature de samedi. Cette trêve partielle était une exigence du président américain qui avait brusquement annulé la signature de l’accord en septembre après la mort d’un soldat américain dans un énième attentat à Kaboul. Les belligérants sont maintenant censés s’entendre rapidement sur un cessez-le-feu total lors des négociations interafghanes.
Quelque 30 pays étaient représentés à Doha, mais pas le gouvernement afghan qui a toutefois dépêché en amont une petite délégation pour une « première prise de contact » avec les talibans. Les talibans ont été chassés du pouvoir en Afghanistan par une coalition internationale menée par les États-Unis après les attentats de 2001. Ils ont ensuite mené une guérilla incessante.
Entre 32 000 et 60 000 civils afghans ont été tués dans ce conflit, selon l’ONU, et plus de 1 900 militaires américains. Pour Robert Malley, président de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group, « aucun accord n’est parfait », mais celui de samedi « représente le meilleur espoir d’avancer vers la fin d’une guerre qui a duré deux décennies ».