Le 17 avril, 2016
Figure centrale de la littérature sénégalaise, Mariama Ba a consacré son œuvre à l’amélioration de la condition féminine. Ce 17 avril, elle aurait fêté ses 87 ans. Retour sur une vie exemplaire.
Dans le Sénégal des années 1980 où les romancières combattent l’oppression au sein de la famille, le mariage forcé ou encore le droit à une sexualité, Mariama Bâ est la première écrivaine africaine à décrire la place faite aux femmes dans la société. Née en 1929 à Dakar, orpheline de mère, Mariama Bâ est élevée par sa grand-mère dans un milieu traditionnel musulman. Elle évolue dans un milieu assez aisé. Son père, Amadou Bâ, était ministre de la Santé du premier gouvernement sénégalais en 1957. A ses retours de voyage, il l’inonde de livres et lui transmet le goût de la lecture. Mariama Bâ est jugée brillante en français par ses camarades de l’Ecole normale des jeunes filles de Rufisque, où elle obtient un diplôme d’institutrice en 1947. Elle enseigne pendant 12 ans avant de demander sa mutation au sein de l’Inspection régionale de l’enseignement pour raison de santé. Mariama Ba a trois filles de son premier mariage avec Bassirou Ndiaye, une fille, avec son second époux, Ablaye Ndiaye et 5 enfants avec le ministre et député, Obeye Diop, avec qui elle finit par divorcer. Suite à ses expériences du mariage, elle s’engage auprès d’associations féminines et se bat pour la l’éducation et le droits des femmes. Et devient militante active de la cause féminine et publie à cet effet, des discours et articles dans la presse locale.
Pionnière dans la réflexion féministe
En 1979, elle publie son premier ouvrage, Une si longue lettre, parut aux Nouvelles Éditions Africaines, qui connaît très vite un très grand succès, aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger et est traduit dans plusieurs langues. Ce premier roman féministe africain réagit aux conditions de ses sœurs victimes des traditions et de la domination des hommes. Une si longue lettre est un roman épistolaire où la narratrice Ramatoulaye, face à son impuissance devant le destin, adresse une longue lettre à sa meilleure amie Aïssatou. Elles évoquent leurs souvenirs communs, leurs destins croisés, leurs déceptions. Mariama Bâ, par le biais de la « lettre », fait le procès de la polygamie, dénonce l’ingratitude des hommes et certaines pratiques dans la société, comme les castes. En novembre 1980, le livre obtient le prix Noma à Francfort en Allemagne. La romancière décède l’année suivante, le 17 août 1981 d’un cancer, peu avant la publication de son second roman : Un Chant écarlate publié en novembre 1981 à titre posthume. Le roman narre l’échec d’un mariage mixte entre un Sénégalais et une Française, du fait de l’égoïsme de l’époux et des différences culturelles.
Les œuvres de Mariama Ba reflètent les conditions sociales de son entourage immédiat et de l’Afrique, en général, et exposent les problèmes qui peuvent en découler. La polygamie, l’exploitation des femmes, les castes, les mariages interraciaux, Mariama Ba s’est fait voix des voix des femmes.
Un lycée de Dakar qui forme la crème de l’élite de demain porte d’ailleurs son nom. D´abord appelée Maison d´éducation de l´Ordre national du Lion et située au Cap Manuel à Dakar, elle est réservée, à l´époque, aux filles de personnalités décorées de cette distinction – équivalente à la Légion d´honneur en France. En 1984, Abou Diouf, le successeur du président Senghor, décide de délocaliser l´école sur l´île de Gorée et d´ouvrir l´internat aux 25 meilleures élèves du concours d´entrée, quels que soient leur niveau social et leur région d´origine.
Baptisée Maison d´éducation de Gorée, avant de prendre le nom de Maison d´éducation Mariama Bâ, en hommage à l’écrivaine sénégalaise disparue en 1981. Derrière cette école d’excellence, reconnue pour ses résultats, se cache depuis 37 ans l’étoffe d’une grande romancière.
Lala NDIAYE
Auteur: Lala Ndiay