Et les enfants ? Les hommes politiques ont-ils pensé aux enfants ? Aux Etats-Unis, les adultes ont l’habitude de la surenchère anti-immigration qui s’empare du camp républicain à l’occasion des primaires. Il y a eu les Minutemen en 2005-2006, les vigiles autoproclamés qui surveillaient la frontière mexicaine. Puis le Tea Party, en 2008-2010. Les candidats s’opposaient à toute« amnistie » pour les sans-papiers, mais rares étaient ceux qui allaient jusqu’àréclamer l’expulsion de tous les clandestins. Et la rhétorique extrémiste retombait après les élections.
Cette année, le phénomène est différent, du fait de la virulence de Donald Trump et de son omniprésence dans les médias. Et les enfants en pâtissent. En quelques mois, ses propositions de construction d’un mur et de « déportation »des sans-papiers ont ramené la peur dans la communauté latino. Et semé l’inquiétude jusque dans les cours de récréation, si l’on en croit un rapport publié, mercredi 13 avril, par le Southern Poverty Law Center (SPLC), une association qui traque les groupes extrémistes et suprémacistes blancs depuis 1971. « Nous avons vu Donald Trump se comporter comme un enfant de 12 ans. Maintenant, nous voyons des enfants de 12 ans se comporter comme Donald Trump », se désole Richard Cohen, le directeur du centre.
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« Est-ce que le mur est là ? »
Le SPLC reconnaît sans difficulté que son enquête, faite en ligne entre le 23 mars et le 2 avril par le projet Teaching Tolerance, n’a pas de valeur scientifique. Mais il souligne que 2 000 enseignants ont apporté leurs témoignages sur l’impact du climat électoral au sein de leurs classes. Et que plus de 5 000 commentaires ont été recueillis. Pour préserver l’anonymat des fonctionnaires, le SPLC a éliminé les précisions concernant les identités ou les établissements concernés.
« MES ÉLÈVES BLANCS DE MILIEUX PAUVRES SE SENTENT MAINTENANT EN DROIT DE FAIRE DES COMMENTAIRES RACISTES »
Harcèlement des jeunes issus de minorités, agressivité du discours, libéré des contraintes habituelles… Selon le rapport, les pratiques contre le harcèlement (anti-bullying), laborieusement mises en place en milieu scolaire, font les frais du climat politique.« Nombre de mes élèves reprennent les discours de haine contre les réfugiés et les pauvres, affirme un professeur. Et les préjugés contre la religion [musulmane] ont augmenté. »Un instituteur de maternelle du Tennessee raconte qu’un enfant latino qui s’est entenduannoncer par ses camarades qu’il allait être expulsé et qu’on l’empêcherait derevenir aux Etats-Unis par un mur demande tous les jours où en est le projet :« Est-ce que le mur est là ? »
Ailleurs, un écolier musulman a demandé s’il devrait porter une puce électronique si M. Trump était élu. Certains utilisent le nom du milliardaire comme cri de ralliement avant de s’en prendre à d’autres. Des enfants musulmans se font traiter de « terroriste » ou de « poseur de bombes ». « Je suis pour Trump, a expliqué un enfant de CM2. Quand il sera président, il vatuer tous les musulmans. »
Un autre enseignant témoigne : « Mes élèves latinos sont écœurés par le discours de Trump, mais aussi par le nombre de gens qui ont l’air d’être d’accord avec lui. Ils sont persuadés que leurs camarades et même leurs professeurs les détestent. » Dans les copies, les enseignants trouvent parfois le nom de M. Trump entouré d’un cercle et barré d’une croix comme sur les panneaux d’interdiction de circuler.
Mais M. Trump n’est pas sans attrait dans les milieux défavorisés. « Mes écoliers viennent de familles pauvres, relate un professeur. Comme Trump est connu pour sa fortune, ils ont demandé à discuter du bénéfice qu’il y aurait àavoir un président riche. » Autre remarque : « Mes élèves blancs de milieux pauvres se sentent maintenant en droit de faire des commentaires racistes. » Et ils demandent pourquoi leur professeur les sanctionne, étant donné qu’ils ne font que reprendre ce qu’ils ont entendu à la télé. Plusieurs enseignants disent que dans leur établissement les élèves les plus chahutés sont en fait ceux qui affichent leur soutien à l’homme d’affaires.