À chaque hommage rendu à son père Woody Allen, son fils Ronan Farrow monte au créneau pour dénoncer la complaisance du cinéma et des médias. Depuis 2014, ni les journalistes, ni les personnalités de Hollywood n’ont demandé des compte au réalisateur de Minuit à Paris et Annie Hall, pourtant accusé par la soeur adoptive de Ronan Dylan Farrow d’abus sexuels. Des allégations que Woody Allen a toujours jugées «fausses et honteuses».
«Cannes où était présenté hors compétition son dernier filmCafé Society illustre une nouvelle fois cette omerta», fustige Ronan Farrow, fils de Woody Allen et de Mia Farrow, dans une cinglante tribune parue dans The Hollywood reporter, quelques heures avant la projection de Café Society, «Il y aura des conférences de presses, et un tapis rouge que mon père va fouler avec sa femme (Soon-Yi Previn). Il va avoir ses stars à ses côtés: Kristen Stewart, Blake Lively, Steve Carell, Jesse Eisenberg. Ils peuvent faire confiance à la presse pour ne pas leur poser de questions dérangeantes. Ce n’est pas le moment, ce n’est pas l’endroit, ça ne se fait pas», écrit Ronan Farrow qui travaille à NBC.
Dressant un parallèle entre son père et le comédien Bill Cosby, mis en cause par plus de soixante femmes, Ronana Farrow souligne que dans les deux cas aucune condamnation n’est venue appuyer les dires des victimes, «mais ce n’est pas une raison pour la presse qui fait face à la machine de guerre des attachées de presse de les réduire au silence». Et d’ajouter: «Ce silence envoie un message dangereux aux victimes, comme quoi cela ne vaut pas le coup de témoigner en public de ce qu’elles ont subi. Quelle image, cela reflète-il de notre société? Il y a encore du travail à faire pour construire une culture où les femmes comme ma soeur ne seraient plus traitées comme si elles étaient invisibles. Il est temps de poser quelques questions difficiles».
La plaisanterie douteuse de Laurent Laffite
Dylan Farrow a été adoptée par Mia Farrow et le réalisateur quand ils étaient en couple dans les années 80. L’affaire avait une première fois fait surface lorsque Woody Allen avait quitté Mia Farrow pour se mettre en couple avec la fille adoptive de cette dernière, Soon-Yi Previn, âgée de 21 ans à l’époque. Un juge new-yorkais et une enquête des services sociaux de New York avaient alors conclu, au moment d’une bataille judiciaire pour la garde des enfants d’Allen et Farrow, que les accusations d’agression sexuelle étaient «non concluantes».
En 2014, en pleine saison des Oscars, Dylan Farrow, secouée par le triomphe réservé à la comédieBlue Jasmine dans laquelle Woody Allen faisait briller Cate Blanchett, avait publié une lettre ouverte dans le New York Times, remettant l’affaire sur le devant de la scène, tandis que Ronana Farrow se moquait des Golden Globes qui venaient de décerner à Woody Allen un trophée d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
Si, comme Ronan Farrow le prédisait, aucune question n’a été posée sur les allégations de Dylan lors de la conférence de presse cannoise de Café Society, le sujet a semblé s’inviter, à la surprise générale, mercredi soir lors de la cérémonie d’ouverture du Festival. Maître de cérémonie, le comédien Laurent Lafitte a lancé à Woody Allen: «Ça fait plaisir que vous soyez en France parce que ces dernières années vous avez beaucoup tourné en Europe, alors que vous n’êtes même pas condamné pour viol aux États-Unis». Avec cette pointe d’humour, Laurent Lafitte aurait-il fait allusion aux accusations de Dylan Farrow?