BREXIT. Daniel Cohn-Bendit : « Il faut une Europe efficace, donc fédérale »

Daniel Cohn Bendit - © Malick MBOW
Daniel Cohn Bendit – © Malick MBOW

Selon l’ex-eurodéputé franco-allemand, il faut relancer l’Union européenne, aujourd’hui « en friche », en lui donnant les instruments de sa souveraineté.

L’Obs Publié le 24 juin 2016

Pourquoi l’Union européenne donne-t-elle le sentiment de ne pas fonctionner ?

Daniel Cohn-Bendit. Les politiques, pour masquer leurs échecs, se défaussent sur Bruxelles. Or qui est-ce, « Bruxelles » ? C’est le Manneken-Pis ? La Commission ne peut rien « décider » : elle propose. Ce sont donc les partis majoritaires au Parlement européen et les gouvernements nationaux représentés au Conseil qui décident. Ce sont ceux qui aujourd’hui définissent la politique européenne qui refusent de faire mieux fonctionner l’Europe, par idéologie, au nom de la souveraineté nationale. Et donc « ça ne fonctionne pas… »

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Ce n’est pas « l’Europe » qui refuse la répartition des réfugiés : ce sont les ministres de l’Intérieur. Ce n’est pas « l’Europe » qui, dans les affaires de terrorisme, bloque la mise en place d’un procureur européen ou d’un FBI européen : ce sont les gouvernements… On ne veut pas faire le pas nécessaire : redéfinir par le haut la nécessité d’une souveraineté européenne. On préfère laisser l’Europe en friche.

Que faudrait-il faire pour que ça fonctionne?

Prenez l’exemple de la Banque centrale, dont l’indépendance était autrefois décriée par la gauche. Aujourd’hui, chacun reconnaît que si on s’en sort un peu après la crise, c’est grâce à son action. Ça marche, parce que son fonctionnement est fédéraliste. Il y a dix-huit gouverneurs, ils s’engueulent, ils votent, la majorité l’emporte, et l’Allemagne est souvent en minorité.

Répondre à la crise financière et économique, aux défis de la mondialisation, à la dégradation climatique passe par des décisions efficaces. Sur ces sujets, la souveraineté nationale ne peut s’exercer qu’à travers la souveraineté européenne, sinon, elle sera balayée ! Mais pour cela, il faut donner à l’Union les instruments de cette souveraineté.

Prenez l’exemple de la défense. Face aux nouveaux défis, ce n’est pas la défense des frontières intérieures qui importe : il faut se doter d’une armée européenne. Il faut un espace politique qui contrôle cette armée… et donc redéfinir le fonctionnement démocratique de l’Europe…

Quel fonctionnement imaginez-vous?

Deux chambres qui décident : d’un côté un Parlement, avec des députés élus sur des listes transnationales ; de l’autre un Sénat qui représente les gouvernements, avec des règles de majorité. La Commission propose, on vote dans une chambre, puis dans l’autre. Et on arrête ces sommets ridicules avec leurs ballets de voitures. Ça ne peut pas continuer : plus les problèmes deviennent difficiles, plus on aura besoin de sortir de cette Europe en friche.

Pour relancer l’Europe, par quel dossier faut-il commencer?

Plusieurs chantiers sont à mener de front : relancer l’économie autour d’un « Green New Deal » qui permettrait de relever les défis de la COP21. S’attaquer aux questions de défense et de sécurité. S’atteler à la modernisation industrielle de l’Europe. Enfin, l’Europe doit protéger sa précieuse diversité culturelle, condition de sa diversité démocratique.

Propos recueillis par Sophie Fay et Pascal Riché

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