LA PARENTHESE DE
L’ARCHITECTURE DITE «MODERNE» ET
L’ARCHITECTURE DITE «TRADITIONNELLE»
Un architecte doit pouvoir décrire ce qu’il ressent au premier coup de crayon. Au fur et à mesure, il rectifie, redéfinit, tout au long de la faisabilité.
Il fût des temps antérieurs où l’architecte était considéré comme un Dieu si l’on fait référence à l’Egypte ancienne (l’époque des pharaons et leurs pyramides). Aujourd’hui l’architecture se traduit autrement, l’approche est en général personnelle. Cette architecture est doctrinale parfois même très personnalisée, même audacieuse. Si l’on se réfère au passé, la démarche de l’architecte était l’inverse.
En effet, l’on peut qualifier cette forme d’intervention « d’autosatisfaction ». Comme Jean Vermeil décrit l’architecte dans son texte introduction du livre consacré à l’architecte Aymeric Zublena édité par Pierre Mardaga dont l’extrait ci-dessous vous laisse entrevoir une description de l’architecte.
« Tout architecte vise, sans le dire, la gloire d’inventer, de même que tout mâle celle de faire le coq. Et d’accabler le paysage d’oeuvres qui se croient uniques et qui n’ont d’unique que jurer dans le paysage ».
L’architecte au sens intrinsèque du mot est le maitre concepteur. Il est appelé couramment le Maitre d’oeuvre. C’est aussi l’architecte démiurge, celui qu’on peut nommer le constructeur (dans un sens péjoratif), celui qui a une approche conceptuelle dite « l’art Brut », sans âme, parce qu’elle est basée sur un esprit créatif individuel sans analyse multi variée et est essentiellement fondée sur l’acte d’édifier simplement.
Pour ne pas rester totalement négatif, nous pouvons considérer que l’espoir est entrain de renaitre rien qu’à voir ces dernières années les nouvelles créations dans l’art de bâtir, ce qui démontre qu’il y a une nouvelle mutation dans l’acte de concevoir. Pour fermer cette incursion dans la profession, il est aussi permis de garder espoir au vu du déferlement positif d’une nouvelle approche conceptuelle dans l’architecture.
En effet, aujourd’hui de Dakar, à travers le monde, les architectes et compagnies sont vraiment entrain de mettre en évidence, cet esprit ingénieux.
Malheureusement nous constatons encore que beaucoup de projets sortent encore de terre sans âme. A titre d’exemple et pour ne pas le citer « le soit disant projet majeur pour le Sénégal » : Le Grand Théâtre, un projet importé de la Chine au Sénégal.
Pour l’averti ou même le simple passant la question qui se pose est : Que représente ce projet dans notre espace culturel?
Du point de vue architectural, ce projet est complètement « dépaysé » sur le plan insertion paysager et aussi bien sur l’essentiel. C’est une conception dépourvue d’une approche conceptuelle culturelle adaptée à son lieu de naissance, ce qui devrait représenter logiquement l’essence même de la destinée de ce projet sur le plan fonctionnel.
Non seulement il est hors contexte culturel et de surcroît, il est prévu pour représenter notre espace culturel. Quelle aberration!!!
Il n’y aurait rien à dire et ce serait plus compréhensif si nous nous disions que ce théâtre représente le pavillon Chinois à Dakar mais surtout pas Lat-Dior DIOP, Sidy Alboury Ndiaye encore moins la tradition sénégalaise sur le plan culturel. L’ensemble instrumental traditionnel du Sénégal dans cet espace devient une incongruité indéfinissable parce que les concepteurs de ce projet n’ont pas tenu compte de cette approche qui se définit par la particularité de l’ouvrage (l’identité architecturale ou culturelle de l’oeuvre).
L’esprit philosophique d’un projet architectural doit être tiré de son espace culturel et de son environnement immédiat. Le passé de l’architecture des pays Dogon, plus prés de nous, l’esprit Sarakolé ou chez les Toucouleurs encore mieux en Casamance démontrent comment la substance de leurs démarches ne se rapporte pas sur le visuel, l’utilisation ou même le caractère individualiste du bâtisseur des temps modernes.
Mais au delà de l’esthétique et le fonctionnel, le fondement est une philosophie d’habiter (la case, la case sur pilotis, la maison à étage à Mopti au Mali), de conserver les aliments (le grenier pour les récoltes à Yendouma au Mali), pour la pêche (pilotis sur le lac Nokoué à Ganvié de Cotonou au Bénin), de recueillir l’eau (toiture impluvium pour recueillir l’eau pluviale et aussi de rafraichir l’habitat à Mlomp/Ziguinchor au Sénégal).
La manière de concevoir leurs lieux d’habitation est apprise, véhiculée, puis conservée par l’apprentissage pendant de longues décennies voire des siècles.
Aussi le savoir est transmis de famille en famille avec des règles établies de l’ordre de l’ésotérisme, religieux, plus simplement d’un esprit de vivre en communauté.
Il se traduit par une tradition où l’on n’accepte pas l’imperfection. Aujourd’hui qu’est ce que c’est l’architecture dite des temps modernes ?
L’architecture ne doit pas se limiter à une appellation de l’architecture africaine ou l’architecture traditionnelle ou l’architecture dite « moderne ».
Certains ont proposé dans leur appellation Architecture dite « Coloniale » et dire qu’entre cette architecture rapportée par les colons, il y a ce que l’on peut appeler l’Architecture Métisse qui forme le trait d’union entre ces deux démarches architecturales (l’original et la copie de l’original).
Cette Architecture dite « Métisse » est issue de la recherche de Xavier Ricou architecte métisse.
L’architecte Ricou démontre à travers une description que les Signares se sont inspirées de l’architecture coloniale pour inventer une architecture plus adaptée à leur mode vie emprunt d’élégance dans l’art de l’habillement et dans la manière de vivre dans leur habitation.
Ces habitations sont situées principalement dans l’ile de Gorée, dans la plupart des cas ces édifices ont été réalisés par les mulâtres.
En définitive, plutôt que de se situer dans cette architecture évolutive dite Architecture des temps modernes avec un grand «A» nous voulons toujours définir une étiquette de typologie d’architectures basées sur une simple classification de lieux et des hommes qui l’ont conçu.
Mais si l’on se rattache à notre architecture, elle demeure une valeur tant dans son approche culturelle, esthétique que fonctionnelle.
Patrick DUJARRIC Architecte, (Il fût enseignant à l’école d’architecture de Dakar décédé en 2013 à Dakar, paix à son âme) et Oswald DELLICOUR Architecte, deux prix Aga AKAN (Le prix Aga Khan d’architecture a été instauré par Karim Aga Khan en 1977 pour récompenser l’excellence en architecture dans les sociétés musulmanes, prix triennal doté de 500 000 $ et qui en fait la plus grande récompense en architecture), l’un pour l’Alliance Franco Sénégalaise à Kaolack Sénégal, l’autre pour le Centre de Formation Agricole (CFA) à Niani Sénégal (voir les vues 24 et 25), ont tous les deux contribué à mettre en valeur cette approche culturelle, environnementale à travers deux ouvrages dont le concept est basé exclusivement sur les ressources existantes et les manières de vivre des habitants.
D’un point de vue, sur les matériaux locaux utilisés, de l’autre point de vue, sur l’adaptation de leurs projets à l’essentiel des moeurs et coutumes de leurs contextes, ils tirent à la perfection la substance naturelle de leur concept par une architecture adaptée à son environnement immédiat (climat, relief, couleur).
Il est rare de voir des architectes qui au delà de leur égo développent un esprit de partage dite « communautaire ». Du fait que leurs démarches combinent intelligemment une architecture dite moderne et une architecture dite traditionnelle, une originalité particulière sanctionne le rendu final de l’oeuvre aussi bien dans leur fonctionnement que dans leur aspect esthétique. Comme le rappelle Thierry Melo Architecte Français, l’un des fondateurs de l’Ecole d’Architecture de Dakar : «Le fait plastique nègre encore moins le mot nègre ne fait pas partie de mon vocabulaire mais je dois reconnaître qu’il entre dans les faits culturels ». Pour en revenir au mot « négritude » ou « l’art nègre », il relate
la découverte du cubisme à partir de la sculpture africaine précisément le masque qui traduit la démarche de Picasso sur son oeuvre les Demoiselles d’Avignon. Aussi bien la démarche des expressionnistes en Allemagne, les futuristes en Italie, il évoque la relation entre les peintres et les Architectes de leur temps. Cette relation a apporté un élan nouveau, un extraordinaire souffle de liberté. Ils ont pu se débarrasser d’un langage académique. Tout cet ensemble de mouvement de Peintres, d’Architectes y compris le Bauhaus ont su révolutionner l’Architecture européenne en y apportant cette plasticité tirée de la démarche des « artistes africains ». En y rajoutant le mouvement Gropius, Mies Vander Roche, Mendelsolin, Le Corbusier à travers leur plan libre, qui déboucha sur la création de cette Architecture dite contemporaine dont Nicolas Devsner appelle « l’expression de l’éternelle passion de l’occident pour le mouvement dans l’espace » et que conclut Thierry Melo en ces termes « l’éternelle passion de l’Afrique pour le rythme dans l’espace ». En ces termes, Thierry Melo dit : « l’art
nègre » est d’abord conceptuel, qu’il exprime une interprétation de la réalité et non son apparence, qu’il use de symboles, la statue, l’objet, est un système de signes que Léopold Sédar Senghor définit comme « une image symbole et rythmée ». Ce détour comporte dans sa manière de définir l’architecture comme un art universel et non un art d’appartenance. C’est un ensemble de démarches, conceptuelles, intellectuelles,
expressives qui s’imbriquent en parfaite harmonie entre elles afin d’aboutir à une concordance d’approches esthétiques et fonctionnelles.
Ce monde d’architecture tellement fertile d’idées et passionnant peut servir de modèle aux différents intervenants dans l’art d’habiter si seulement, les architectes font une introspection dans leur façon de conduire le projet vis-à-vis de la commande.
C’est l’architecture qui en sera la première bénéficière. L’acte de concevoir est d’abord une conduite et ensuite un rapport entre l’écoute, la pensée et une école. Une conduite c’est de la déontologie « l’éthique, la morale, la bonne foi ». L’écoute et la pensée c’est le programme et l’esquisse « la communication, l’assistance et le raisonnement, l’entendement, l’idée ».
En résumé si l’on décrypte une conduite, l’écoute et la pensée, l’architecte est d’abord une aide à pouvoir concrétiser ses objectifs quelque soit l’ambition de son client. C’est l’architecte qui dans le respect de la procédure doit mener le maître d’ouvrage à la satisfaction. Tout pour dire qu’il y a une Architecture qui s’ouvre sur l’art, la musique et la vie de tous les jours. D’ailleurs cette vie de tous les jours fait que cette parenthèse sur l’architecture se manifeste par la passion de certains musiciens sénégalais à réaliser leur clip vidéos dans des espaces relevant d’une conception architecturale ayant un trait commun avec le message qu’ils veulent véhiculer (Carlou D avec son titre Néné Gallé réalisé par Iris /AV et Gaby ont fait leur clips au Monaco-plage à Dakar un espace conçu par le Cabinet ACI.
Le tube d’Idrissa Diop intitulé Nobel a été réalisé par Gelongal dans l’hôtel le Lagon II à Dakar dans un espace conçu par le Cabinet ACI.
Pourquoi cette autre parenthèse ?
C’est parce que ces artistes ont su faire à travers la musique une transition entre le rapport esthétique et la fusion dans l’acte de célébration d’un mariage donc de l’amour où encore dans un arrière-choeur, le chef d’orchestre est rehaussé dans son aspect scénique par l’ensemble de la chorale, le tout redynamisé par la perspective du lieu avec un arrière plan en fond de mer. Comme pour dire que tout est architecture.
Dans le techno-culturel la représentation […]