Pourquoi le coup de fil entre Trump et la présidente de Taïwan est embarrassant

 

Donald Trump

Donald TRUMP - © Malick MBOW
Donald TRUMP – © Malick MBOW

a rompu avec 40 ans de tradition diplomatique avec Pékin et Taipei en parlant au téléphone avec la présidente de Taïwan, vendredi.

 

AFP/GREG BAKER

Le président élu américain a pris le risque d’une crise majeure avec la Chine vendredi en parlant au téléphone avec Tsai Ing-wen. Une conversation inédite depuis 1979.

Donald Trump confirme son style atypique. Le président élu américain a eu un échange téléphonique avec la présidente de Taïwan Tsai Ing-wen, vendredi. Pourquoi cela pose-t-il problème?

Parce que qu’il rompt avec la tradition diplomatique

Par ce coup de fil, le président élu américain rompt avec 40 ans de tradition diplomatique avec Pékin et Taipei. De fait, Washington, que ce soit des administrations républicaines ou démocrates, soutient depuis les années 1970 la politique de la « Chine unique » ou d' »une seule Chine » qui l’a vu reconnaître Pékin en 1978 et rompre ses relations diplomatiques avec Taïwan en 1979.

Leur conversation est donc sans précédent depuis des décennies. Cela n’a pas semblé lui poser de cas de conscience. Selon un compte-rendu de l’équipe du prochain locataire de la Maison Blanche, Donald Trump et Tsai Ing-wen « ont pris note des liens étroits en matière économique, politique et de sécurité entre Taïwan et les Etats-Unis ».

La présidente taïwanaise, élue en mai, et le président américain élu le 8 novembre et qui prêtera serment le 20 janvier, se sont mutuellement « félicités », a ajouté le communiqué, qui rapporte aussi des appels téléphoniques vendredi avec le président afghan Ashraf Ghani, le président populiste des Philippines Rodrigo Duterte et le Premier ministre de Singapour Lee Hsien Loong.

Christopher Hill, ex-secrétaire d’Etat adjoint pour l’Asie orientale et le Pacifique du républicain George W. Bush, a estimé sur CNN que cet entretien était « une énorme erreur », déplorant la « tendance à l’improvisation » de la future administration Trump.

Parce que Trump en a profité pour s’illustrer (encore) sur Twitter

Face aux critiques soulevées par sa discussion avec la dirigeante taïwanaise, Donald Trump a tweeté dans la soirée: « La présidente de Taïwan M’A TELEPHONE aujourd’hui pour me féliciter de ma victoire à la présidence. Merci! ».

Avant d’ajouter un peu plus tard dans un autre tweet: « Intéressant le fait que les USA vendent des milliards de dollars d’équipement militaire à Taïwan mais (que) je ne devrais pas accepter un appel de félicitations ».

Il est très inhabituel pour un président ou président élu américain de se justifier de cette façon, mais Donald Trump a montré tout au long de sa campagne qu’il avait une propension aux réactions épidermiques sur Twitter.

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Parce que cet appel risque d’entraîner une crise avec la Chine

Si l’appel téléphonique de Tsai Ing-wen était totalement absent des médias chinois ce samedi, Pékin n’a pas manqué de réagir, via son ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, qui a parlé d' »une basse manoeuvre manigancée par Taïwan ».

La Chine a aussi « protesté solennellement » auprès des Etats-Unis, demandant à Washington de respecter le principe d’une « Chine unique ». « Nous avons déjà transmis une protestation solennelle à la partie américaine concernée. Il faut insister sur le fait qu’il n’existe qu’une seule Chine et que Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois », a déclaré dans un communiqué le ministère chinois des Affaires étrangères.

Taïwan est de facto séparée de la Chine depuis la fin de la guerre civile en 1949, lorsque l’armée nationaliste du Kuomintang (KMT) s’était réfugiée dans l’île après sa défaite face aux communistes. Pékin considère toujours Taïwan comme faisant partie de la Chine.

Parce que ce nouvel épisode inquiète encore plus sur l’avenir de la politique étrangère américaine

Ces appels téléphoniques de Donald Trump, qui rompent avec les règles du protocole durant la transition du pouvoir à Washington, le département d’Etat n’ayant été associé que de très loin à ces démarches, font suite à un autre échange téléphonique cette semaine avec le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

Donald Trump l’a couvert d’éloges, ce qui a stupéfié des diplomates. Mi-novembre, il avait aussi surpris en recevant à New York le Premier ministre japonais Shinzo Abe en présence de sa fille Ivanka Trump.

D’une manière générale, le grand flou autour de la politique étrangère de Donald Trump – considéré plutôt comme un isolationniste – inquiète les alliés historiques de l’Amérique en Europe et en Asie.

« Ce qui s’est passé ces 48 dernières heures n’est pas simplement une évolution. Ce sont des pivots majeurs en politique étrangère, sans aucune prévision. C’est ainsi que débutent des guerres », a tweeté vendredi le sénateur démocrate Chris Murphy.

Il a plaidé pour qu’un secrétaire d’Etat soit nommé « vraiment, vraiment rapidement » et « avec de l’expérience, c’est préférable ». Donald Trump n’a pas encore pourvu ce poste. Seraient en lice l’ancien candidat républicain à la présidentielle 2012, Mitt Romney, le général et ex-chef de la CIA David Petraeus et l’ancien maire de New York Rudy Giuliani.

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