Reagan avait gagné la 1ère manche de la Guerre froide, Obama a-t-il perdu la 2de en laissant Poutine et la Chine piétiner l’ordre international issu de 1945 ?

Barack OBAMA - © Malick MBOW
Barack OBAMA – © Malick MBOW

Est-ce la fin de l’ordre international tel qu’on le connaît ? L’implication de la Russie dans l’élection de Donald Trump et la situation en Syrie sont-ils des signes annonciateurs d’une fin de l’hégémonie occidentale ? De nouvelles superpuissances ont fait leur apparition et jouent un rôle de plus en plus important sur la scène internationale.

Rééquilibrage

Atlantico : Alors qu’au sortir de la Guerre froide, les Etats-Unis étaient l’hyperpuissance à la tête de l’ordre mondial, dans quelle mesure a-t-on pu assister sous le mandat de Barack Obama à un déclin de la puissance américaine ? Cet effacement de la puissance américaine s’est-il effectué au profit de la réaffirmation de nouvelles puissances comme la Russie ou même la Chine, qui vient d’intercepter un drone sous-marin américain en mer de Chine du Sud (lire ici) ?

Alexandre del Valle : Le problème, c’est qu’Obama a mis fin à l’interventionnisme militaire au Moyen-Orient très rapidement, de façon non préparée, sans plan de sortie et sans se soucier de l’après avec les conséquences que l’on observe aujourd’hui. Ce désengagement américain subi et violent qui a détruit d’un coup le formidable travail effectué par le général Petraeus, lequel avait réussi à associer les sunnites au pouvoir de Bagdad pour assécher Al-Qaïda et l’ancêtre de Daesh, a laissé un vide lui-même rempli par les printemps arabes et les islamistes qu’ils soient de gouvernement ou terroristes.

Dans le reste du monde, c’est moins net. C’est vraiment au Moyen-Orient que l’on était habitué au plus massif interventionnisme occidentalo-atlantiste, et c’est dans ces territoires que la Russie a tiré son épingle du jeu et s’est de nouveau affirmée comme une grande puissance, parallèlement aux révolutions colorées dans les Balkans, le Caucase, l’Asie centrale et l’Ukraine tournées contre Moscou et appuyées par l’Occident. Ces révolutions de couleur ou « pacifiques » encouragées par les fondations de George Soros et les institutions occidentales parfois très officielles (américaines, UE, etc.) notamment, ont provoqué les réactions que l’on sait de Moscou en Géorgie et en Ukraine. La guerre froide Russie-Occident en est le résultat ultime, comme je le déplore dans mon dernier ouvrage Les vrais ennemis de l’Occident, du rejet de la Russie à l’islamisation des sociétés ouvertes. Et les dernières déclarations d’Obama et Hollande visant à « punir » Moscou pour tout et son contraire (Syrie, hacking des présidentielles, Ukraine, etc.) ne sont pas pour améliorer les relations déjà plus que tendues entre les deux anciens acteurs de la Guerre froide.

Vladimir Poutine avait pourtant dit clairement, comme ses prédécesseurs, que l’Ukraine était une ligne rouge à ne pas franchir, elle l’a été par les Etats-Unis et l’Otan qui ont sous-estimé les capacités de réaction de la Russie, ceci alors qu’un accord tacite avait été conclu entre les pays de l’Otan et la Russie post-soviétique dès 1991. Nous ne l’avons pas respecté hélas, en croyant que la Russie appauvrie avait « perdu la guerre froide » et avait été « vaincue » par notre modèle libéral-Monde libre. Du coup, la Russie a défendu ses intérêts en Crimée et a rattaché le territoire, puis est intervenue en Syrie pour la première fois en-dehors de son territoire depuis la fin de la Guerre froide afin de dire stop et d’empêcher les Occidentaux d’empiéter sur les pré-carrés et intérêts vitaux de la Russie (bases russes en Crimée et en Syrie mises en danger de facto depuis 2011 par le soutien occidental aux anti-russes en Syrie et en Ukraine. C’était nouveau et le message envoyé par Moscou a été très net envers les Occidentaux qui sont allés, de l’avis des Russes comme du mien exprimé dans Les vrais ennemis de l’Occident, bien trop loin. L’intervention russe en Syrie – à l’invitation du régime syrien – a été une réaction géopolitique très ferme et décisive face à la volonté occidentale de réduire la puissance et la « profondeur stratégique russe » dans ses places fortes, ceci en profitant des révolutions de velours en Europe orientale comme des révolutions arabes qui auraient pu déboucher sur le renversement du régime de Bachar el-Assad notamment, si on avait reproduit le syndrome irakien et libyen, et ce qui aurait remis en cause les bases russes sur le territoire syrien. La Russie en a ainsi profité pour lancer une première intervention en-dehors de cette zone proche. Il faut avouer qu’elle a été très efficace, car ce sont aujourd’hui les Russes qui mènent le jeu et qui contrôlent-neutralisent le ciel en Syrie par leur technologie et armements sophistiqués et leurs S300-S400 qui ont surpris les Américains eux-mêmes.

François-Bernard Huyghe : Effectivement, après un début de présidence Obama où le soft power américain et la séduction d’Obama rayonnaient au niveau mondial et où les États-Unis ne se voyaient plus véritablement d’adversaires à leur taille sinon quelques dictatures à liquider, après des débuts lors desquels Barack Obama a tenu un discours contrastant totalement avec celui du George W. Bush, le râteau lui est revenu en pleine figure.

D’une part, le soft power américain n’est pas très efficace en termes de puissance. D’autre part, le pays s’est retrouvé dans un certain paradoxe en étant impliqués dans beaucoup d’interventions militaires, sur de nombreux fronts (Syrie, Irak, Afghanistan, Somalie, Libye, Pakistan, Yémen…). Certes, ces interventions ont été moins coûteuses en vies humaines que la méthode Bush (avec la méthode du light footprint : on laisse les autres faire le travail sanglant et on agit par drones). Mais ces « nouvelles » interventions n’apportent pas la victoire – et l’exemple de la Syrie et de l’Irak est parmi les plus frappants. Sous les deux présidences Obama, les États-Unis n’ont remporté aucune victoire militaire, mais seulement des victoires apparentes comme en Libye.

En ce sens, il y a un recul d’influence et un recul de puissance. Les médias sont sans doute un peu indulgents avec lui en fin de mandat, mais son bilan, pour ce qui est de la place des États-Unis dans le monde, ne me paraît pas extrêmement brillant.

Reagan avait gagné la 1ère manche de la Guerre froide, Obama a-t-il perdu la 2de en laissant Poutine et la Chine piétiner l’ordre international issu de 1945 ?

Est-ce la fin de l’ordre international tel qu’on le connaît ? L’implication de la Russie dans l’élection de Donald Trump et la situation en Syrie sont-ils des signes annonciateurs d’une fin de l’hégémonie occidentale ? De nouvelles superpuissances ont fait leur apparition et jouent un rôle de plus en plus important sur la scène internationale.

Rééquilibrage

Publié le 17 Décembre 2016

 

 

La Russie est aujourd’hui accusée d’ingérence, notamment par le biais d’attaques informatiques, dans les affaires de certains pays occidentaux comme les États-Unis. Selon vous, ce genre d’action a-t-il été rendu possible (au moins en partie) par le recul de l’hégémonie américaine ? Les Russes ont-ils pu interpréter cela comme un signe encourageant dans leur projection de puissance ?

François-Bernard Huyghe : Sur le plan géopolitique, et même si Vladimir Poutine n’avait pas besoin de signes encourageants pour sa stratégie de reconstitution de la puissance russe comme la reculade de Barack Obama au moment de l’utilisation supposée d’armes chimiques par Bachar el-Assad dans la banlieue de Damas, il a clairement saisi l’opportunité.

Sur le plan des intrusions informatiques, je ferai simplement trois sortes d’observations.

Premièrement, je ne doute pas que la Russie n’investisse beaucoup dans le cyberespace, dans la propagande en ligne avec ses armées de trolls et de hackeurs, etc. Il n’est évidemment pas question de le nier.

Deuxièmement, dans cette intervention dans les élections américaines, qui consistait non pas à truquer le résultat des élections mais à révéler au public des documents secrets (whistle-blowing), la responsabilité directe de Vladimir Poutine n’est pas encore prouvée. En effet, sur le plan technique, la façon dont sont faites ces attaques montre qu’il n’y a pas besoin d’être le meilleur service secret du monde ou le meilleur groupe de hackeurs pour les faire… Cela a pu bien sûr être fait par des groupes de mercenaires informatiques russes, mais la preuve que cela a été ordonné par Poutine ou fait par un État n’est pas encore apportée. D’ailleurs, les services de renseignement américain sont très divisés (CIA, FBI, agences de renseignement…).

Troisièmement, quand bien même serait-ce prouvé, est-on certain que la révélation de ces scandales sur les rapports de Clinton avec les médias et certains lobbys industriels soit la raison du retournement du vote américain ? Je pense qu’il y a eu des boules puantes des deux côtés et ces révélations sur les mails de John Podesta n’ont fait que confirmer l’incroyable méfiance d’une partie de l’électorat populaire du centre de l’Amérique envers Hillary Clinton.

Quels sont aujourd’hui les grands équilibres géostratégiques ? Ordre bipolaire de la Guerre froide, unipolarité des Etats-Unis après la Guerre froide… Comment qualifier l’ordre international aujourd’hui ?

Alexandre del Valle : L’ordre international actuel est en voie de mutation, il n’est pas encore totalement multipolaire et n’est plus totalement unipolaire bien que les Occidentaux demeurent les maîtres d’une grande partie du jeu. C’est donc plutôt un ordre « uni-multipolaire », d’abord parce que l’Amérique est toujours dominante sur le plan stratégique et que l’Occident maîtrise et a conçu les grandes institutions mondiales, et deuxièmement il est également multipolaire car même si les Etats-Unis restent les plus puissants, on constate l’émergence de la Chine, qui commence à taper du poing sur la table, notamment en Asie méridionale et orientale face aux alliés des Américains, puis de la Russie et dans une moindre mesure de l’Iran, du Brésil, de la Turquie, de l’Inde et de l’Egypte, qui s’autonomisent et reviennent dans la course. Le tandem « anti-hégémonique » tourné contre l’hyperpuissance américaine (Chine-Russie, OCS) ne s’oppose pas frontalement à l’Otan, la Chine surtout ayant intérêt à rester « polie » car elle vit des exportations de ses biens vers l’Ouest, mais elle n’hésite plus à montrer ses muscles et navires de guerre face aux flottes américaines et aux alliés asiatiques des Etats-Unis en Mer méridionale et orientale de Chine, dans le pré-carré chinois maritime où Pékin dénonce la pénétration américaine et exige de retrouver la souveraineté sur les mers. Un accord avec la Chine de plus en plus véhémente dans cette zone impliquerait à terme un désengagement des forces américaines dans la zone, ce que Clinton ne voulait absolument pas mais ce que Trump n’exclut pas entièrement dans le cadre d’une sorte de nouveau deal pragmatique dont il a le secret, et en dépit de sa dénonciation de l’ennemi chinois.

De l’autre côté de l’OCS (Organisation de la Coopération de Shanghai), la Russie se réaffirme dans son « étranger proche » (Georgie, Ukraine…) et elle a mis les points sur les i au Proche-Orient en soutenant les rares régimes encore pro-russes comme l’Egypte, la Syrie, ou les Emirats, face à un ennemi islamiste sunnite soutenu par les Occidentaux aveuglés par leur pacte de Quincy avec les Saoudiens (« pétrole contre sécurité ») et leur obsession anti-russe.

La Russie et la Chine émergent donc de manière stratégique et sont alliés dans le cadre de l’OCS. Parallèlement, dans le monde africain, on assiste à une légère réaffirmation identitaire et nationaliste de certains pays qui commencent à contester la CPI, dont l’Ouganda et l’Afrique du Sud ont annoncé leur retrait afin de protester contre l’unilatéralisme occidental qui n’assurerait la justice et ne respecterait les décisions de la justice internationale qu’au détriment des pays du Sud. En Asie, également, même en zone « pro-occidentale », on assiste depuis peu à une réaffirmation identitaire et géostratégique, notamment au Japon, qui commence à sortir de sa doctrine de neutralité en réaffirmant la volonté d’avoir une armée propre, en Corée du sud, qui envisage un programme nucléaire propre, et bien sûr en Thaïlande, où la junte militaire ne supporte plus les critiques américaines envers le coup d’Etat et surtout aux Philippines, où le président Duterte se rapproche spectaculairement de la Chine pour des raisons à la fois économiques et parce qu’il ne supporte plus l’arrogance américaine et les critiques contre sa politique de répression des trafics de drogue qui a fait des milliers de morts. Bref, les pays non-occidentaux ne supportent plus les leçons de morale de la part d’Occidentaux qui manient hypocritement les droits de l’homme pour justifier moralement l’ingérence et des interventions néo-coloniales en Afrique ou au Moyen-Orient. L’Asie avertit qu’elle n’acceptera pas cela et la Corée du Nord dictatoriale stalinienne présente son programme balistique et nucléaire militaire comme la meilleure garantie contre l’impérialisme occidentalo-américain. On pourrait aussi parler de l’Arabie Saoudite, de l’Iran renaissant aux implications régionales (guerre chiites sunnites contre les alliés de l’Arabie saoudite), et bien sûr la réaffirmation de la Turquie néo-ottomane à la fois ultranationaliste et panislamiste sunnite du président Erdogan, qui se rapproche d’ailleurs tactiquement de l’OCS. Autant d’acteurs qui montrent que le monde, bien que toujours sous hégémonie occidentale, fait face à la résurgence d’une multitude d’acteurs aux volontés propres.

 

Reagan avait gagné la 1ère manche de la Guerre froide, Obama a-t-il perdu la 2de en laissant Poutine et la Chine piétiner l’ordre international issu de 1945 ?

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Rééquilibrage

Publié le 17 Décembre 2016

 

 

 

Comment la Russie et la Chine contestent-elles le leadership américain et l’ordre international issu des accords de Bretton Woods ? Quelles sont les initiatives qui menacent le plus la domination occidentale ?

Alexandre del Valle : Ce qui menace le plus la domination occidentale, c’est la réaffirmation de la Russie et de la Chine, car ce sont les seuls acteurs stratégiques aujourd’hui qui ont vraiment les moyens de bloquer certaines initiatives américaines lorsque ça va trop loin. En Syrie, les Occidentaux ont réellement voulu renverser le pouvoir (pro-russe) de Bachar el-Assad, mais il y a très peu de puissances qui ont le pouvoir de contrôler entièrement le ciel syrien comme les Russes, et donc d’empêcher toute action contradictoire dans toute la Syrie, ce que les Occidentaux ont fini par comprendre, d’où leur abandon du projet de « regime change » en Syrie qui aurait dû passer par une guerre directe contre l’armée russe…

L’émergence du pole russo-chinois représente donc en quelques sortes un frein, un « empêchement » des erreurs de « l’Occident américain néo-impérial et déstabilisateur », du point de vue de Moscou. On est donc entré dans un monde en voie de multipolarisation dans lequel même le plus puissant – les Etats-Unis – doit tenir compte des revendications nationales de certains acteurs majeurs bien que moins forts, mais dotés d’une forte capacité de nuisance et de refus.

Ce qui est ennuyeux dans le rassemblement russo-chinois, c’est que nous aurions dû tout faire pour avoir la Russie avec nous face aux menaces islamistes et chinoises, au lieu de faire en sorte que la Russie nous quitte pour se rapprocher de la Turquie ou de la Chine, ce qui est suicidaire. Personne, ni les Russes ni nous, n’a d’intérêt à un tandem anti-occidental russo-chinois qui armerait nos ennemis… Plus on humilie les Russes, plus ils se rapprochent de nos ennemis asiatiques (Chine, Pakistan, Corée). Notre intérêt serait au contraire de ramener la Russie à un pôle panoccidental (Occident élargi ou « alterOccident) qui aurait réformé l’Otan. En fait, les Russes et les Occidentaux n’ont aucun intérêt à réactiver cette Guerre froide, et c’est pour cela que l’avènement de Trump qui veut un « reset » avec la Russie peut être une réelle opportunité pour construire un nouvel ordre mondial multipolaire rééquilibré.

Parallèlement, la Russie et ses alliés des BRICS, dont la Chine, voudraient réformer ou redéfinir les institutions financières internationales, voire en créer de nouvelles sur des bases multipolaires, comme par exemple le « FMI » des BRICS voulu par Moscou et Pékin ou la volonté de mettre fin à l’hégémonie du dollar pour les échanges internationaux notamment de pétrole. Certes, cette volonté de contrecarrer le système monétaire international (AIIB, banque asiatique d’investissement dans les infrastructures) et la remise en question de l’hégémonie du dollar constitue pour nombre d’Américains et Occidentaux qui tiennent à leur gâteau un casus belli, et la mort étrange de M. de Margerie qui oeuvrait de concert avec Moscou en ce sens illustre peut-être ce conflit géoéconomique majeur… Mais Trump ne veut pas de confrontation directe avec la Russie, au contraire de tous ses opposants et prédécesseurs, et ceci est une vraie révolution stratégique. Là aussi, il proposera un deal « mutuellement bénéfique », comme le disent Poutine et Trump.

Dans quelle mesure l’attitude de la Russie et des Etats-Unis dans le conflit syrien illustre-t-elle le nouvel équilibre des puissances ? Que peut espérer tirer la Russie de son engagement militaire dans ce conflit ? 

Alexandre del Valle : Il y a effectivement un nouvel équilibre des puissances qui s’établit en Syrie où d’une certaine manière les Russes empêchent les excès des Américains. Pour la première fois, les Américains ont dû tenir compte d’une puissance qui, bien qu’elle ne peut pas les vaincre, peut les freiner. C’est ça qui est nouveau et que nous enseignent les crises en Crimée et en Syrie.

La Russie, dans cet engagement militaire, peut espérer trois choses.

D’abord défendre la pérennité d’une base russe à Tartous qui aurait du être menacée si la Syrie devait être renversée. Ensuite, la Russie a de nombreux problèmes avec les musulmans du Caucase et les Tchétchènes que l’on retrouve nombreux dans les mouvements djihadistes à l’international. La Russie avait un intérêt à aller les pourchasser en-dehors de ses frontières avant qu’ils ne reviennent.

Troisième élément, une démonstration de force qui oblige les Américains à les considérer et à parler avec eux dans une sorte de parité qui rappelle l’équilibre de grandes puissances. Le but de Poutine était de rétablir le statut de grande puissance de la Russie après la fin de la Guerre froide et la dissolution de l’URSS et il fallait une crise comme la Syrie pour obliger les Américains à accepter cette parité.

Aujourd’hui, on peut dire que ces trois objectifs sont atteints.

Doit-on s’attendre à ce que deux systèmes, l’un dirigé par les puissances émergentes (Chine et Russie en tête), l’autre par les puissances occidentales (Etats-Unis en tête), entrent en rivalité ?

Alexandre del Valle : Non, car s’il y a d’un côté les Occidentaux, dirigés par les Etats-Unis, de l’autre, il n’y a pas d’interlocuteur unique mais une multitude d’acteurs avec des volontés propres, des ambitions parfois opposées et un agenda fort différent. Le monde multipolaire ne peut pas s’unir, il est en voie de constitution, mais il est par essence multiple et divisé, non monolithique.

En Europe, même si certains hurlent contre les Etats-Unis, personne n’a pu contester l’hégémonie américaine au sein du monde occidental. Autant le monde occidental a un leader, autant le monde émergent est divisé et fractionné en pôles différents, complémentaires ou antagonistes (ex : Inde et Pakistan). Et même si aujourd’hui les Russes sont les leaders de la résistance contre certaines actions américaines, ils ne font pas du tout l’unanimité dans le monde multipolaire. Beaucoup de pays musulmans détestent la Russie. Les pays sunnites, à part quelques pays nationalistes comme la Syrie, l’Algérie, les Emirats ou l’Egypte, sont plutôt dans une relation de rivalité voire d’hostilité avec elle.

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