>L’actu>International|31 janvier 2017
InternationalDonald TrumpArabie saouditeEtats-Unis
Les monarchies du Golfe, dont l’Arabie saoudite, et d’autres pays à majorité musulmane sont épargnés par le décret de Donald Trump limitant l’immigration car ils sont des alliés de Washington jugés très coopératifs, selon des experts.
La décision controversée de M. Trump s’applique aux ressortissants de sept pays (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen) pour empêcher l’entrée aux États-Unis de « terroristes islamiques radicaux ».
Mais le décret, qui pourrait être élargi à d’autres États, exempte plusieurs pays dont des ressortissants ont été impliqués dans de sanglants attentats en Occident. Ainsi, sur les 19 auteurs des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, 15 étaient originaires d’Arabie saoudite.
La liste de Donald Trump est « bourrée d’anomalies » et « il est très difficile d’en comprendre la logique », estime Kate Clark, directrice de l’Afghan Analysts Network.
Elle comprend ainsi l’Irak, que Washington soutient pourtant activement, notamment pour reprendre la ville de Mossoul à l’EI, et l’Iran, pays majoritairement chiite également impliqué dans la lutte contre le groupe radical sunnite.
Les sept pays visés « semblent avoir été choisis en raison de leurs mauvaises relations avec les États-Unis ou de la précarité de ces relations », explique Adam Baron, de l’European Council on Foreign Relations.
Ce qui n’est pas le cas du royaume saoudien, berceau du wahhabisme, une version rigoriste de l’islam, qui est un allié stratégique de Washington depuis plus de sept décennies.
« Conformément à une politique américaine de longue date, M. Trump semble considérer les États du Golfe comme des alliés essentiels », selon M. Baron.
Son décret ne concerne pas les pays où les Américains ont « d’étroits partenariats avec leurs forces antiterroristes et où il existe une structure bien développée de coopération en matière de renseignement », renchérit Anthony Cordesman, du Centre for Strategic and International Studies basé à Washington.
L’Arabie saoudite est depuis plus d’une décennie en guerre contre Al-Qaïda et participe, avec d’autres pays du Golfe, à la coalition internationale sous commandement américain qui combat l’EI en Syrie et en Irak.
M. Trump a d’ailleurs appelé le roi saoudien Salmane et l’homme fort des Émirats arabes unis, cheikh Mohammed ben Zayed, pour convenir de coopérer dans la lutte contre « le terrorisme islamique radical », selon la Maison blanche.
« L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Dès lors que l’Arabie saoudite est l’ennemi de l’Iran et que l’Iran est l’ennemi d’Israël, il en résulte que les États-Unis sont les amis de l’Arabie saoudite« , relève Mathieu Guidère, professeur de géopolitique du Moyen-Orient à Paris.
Selon cet expert, le décret de M. Trump est basé sur « des indicateurs d?États en faillite » qui sont « incapables d’assurer la sécurité et d’échanger des données avec les États-Unis sur leurs ressortissants ».
Dans ce domaine, Washington compte sur l?Égypte, le pays arabe le plus peuplé et berceau de la confrérie des Frères musulmans, classée comme groupe « terroriste » par Le Caire et des monarchies du Golfe.
« Égypte et Arabie saoudite sont vus comme les grands partenaires des États-Unis » au Moyen-Orient, note Victor Salama, de l?Université du Caire, en faisant état de « convergence de vues » entre M. Trump et le président égyptien Abdel Fatah al-Sissi.
– Intérêts personnels –
Des intérêts financiers personnels du président milliardaire ont été aussi cités pour expliquer pourquoi certains pays ne figuraient pas sur la liste noire.
Une carte établie par l’agence Bloomberg montre que M. Trump possède des affaires en Égypte, en Arabie saoudite, en Turquie et aux Émirats.
« Il y a des contrats susceptibles d’expliquer pourquoi l’Arabie saoudite n’est pas sur la liste », note Kate Clark.
Mais d’autres experts minimisent ce facteur. « Profiter du nom d’une marque pour vendre n’est pas un argument suffisant pour motiver un président », estime Anthony Cordesman en référence à la marque Trump.
Au delà du Moyen-Orient, le président républicain a des intérêts commerciaux en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé du monde qui a longtemps été confronté à l’islamisme radical.
« Il ne veut pas compromettre cela », indique Tobias Basuki, du Centre for Strategic and International Studies à Jakarta. Et, comme elle est « une démocratie », l’Indonésie ne constitue pas une menace, selon lui.
Rahimullah Yousafzai, spécialiste des talibans, relève que si l’Afghanistan ne figure pas sur la liste, c’est en raison de la forte présence américaine dans ce pays. « Ils ont des soldats et ont besoin de soutien » local, dit-il, ajoutant que si des restrictions étaient imposées aux Afghans, « cela pourrait envoyer un mauvais signal alors que les États-Unis et l’Otan ont été incapables de stabiliser le pays ».
Par ailleurs, poursuit cet expert, les Américains « ont aussi besoin du Pakistan pour l’Afghanistan » et le statut de puissance nucléaire d’Islamabad « pourrait aussi être un facteur ».
AFP