Après la première rencontre avec son homologue américain, Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, revient sur les menaces qu’Etats-Unis et Russie font peser sur l’Europe.
Mettez-vous sur un même plan la déception ressentie par la France avec Barack Obama lors de son refus de bombarder le régime syrien en 2013 et les doutes actuels sur la fiabilité de l’allié américain?
Ce n’est pas de même nature. Le recul du président Obama sur la Syrie n’a pas conduit l’Amérique à mettre en doute une conception multilatérale de la gestion des affaires du monde. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une incertitude beaucoup plus grande, à une forte imprévisibilité. Tous mes collègues partagent ce constat. Les enjeux complexes et importants, auxquels nous faisons face, se prêtent mal à des « deals ». De même, on ne règle aucune crise internationale en 140 caractères. Face aux périls, aux inégalités, au terrorisme, aux grands dangers du monde, si on ne prend pas ces problèmes à bras le corps collectivement, si c’est chacun pour soi, alors on laisse la voie libre aux extrémismes.
Vous croyez vraiment que Donald Trump et Vladimir Poutine veulent affaiblir l’Europe?
Certaines attitudes ou déclarations peuvent le laisser penser. Il suffit de regarder pour quels candidats, à savoir Marine Le Pen ou François Fillon, la Russie exprime des préférences, dans la campagne électorale française, alors qu’Emmanuel Macron, qui développe un discours très européen, subit des cyber-attaques. Cette forme d’ingérence dans la vie démocratique française est inacceptable et je la dénonce. La Russie est la première à rappeler que la non-ingérence dans les affaires intérieures est un principe cardinal de la vie internationale. Et je la comprends. Et bien la France n’acceptera pas, les Français n’accepteront pas qu’on leur dicte leurs choix. Je le redis avec force, l’intérêt de la Russie, des Etats-Unis et du reste du monde, c’est d’avoir une Europe stable, qui fonctionne, assume ses responsabilités et joue tout son rôle en faveur de la paix, de la prospérité et du développement durable.