Majorité présidentielle: le MoDem, un allié encombrant pour Macron?

 

Francois-BAYROU © Malick MBOW
Francois-BAYROU © Malick MBOW

Emmanuel Macron a obtenu une très large majorité lors du second tour des législatives, avec au moins 308 sièges pour son seul parti LREM. La vague jaune est passée. En amenant, dans ses bagages, 42 élus MoDem, alors que le parti de François Bayrou n’en comptait que deux au début de la précédente législature et zéro à la fin. Un triomphe, au moins comptable.

Car en l’espace de quelques semaines, le climat autour du MoDem s’es légèrement gâté. Le parti fondé et dirigé par François Bayrou est visé par une enquête préliminaire concernant des emplois présumés fictifs de permanents MoDem auprès du Parlement européen. Les dossiers s’accumulent alors que le garde des Sceaux avec grade de ministre d’Etat, doit porter la première loi du quinquennat sur la moralisation de la vie politique. François Bayrou s’est même permis de contacter directement des journalistes pour leur demander d’arrêter de « harceler » ses affidés. Et les recadrages d’Édouard Philippe n’y font rien, le Béarnais, têtu, compte bien conserver sa liberté de parole.

« Bayrou fait du Bayrou »

Car le leader du centre le sait bien, il a un poids particulier dans la majorité présidentielle. Il est « M. 6% », celui qui, en proposant une alliance au candidat Macron, lui a permis de s’installer au second tour dans les sondages, puis à la première place. En bref, il se considère comme le faiseur du roi Macron et s’cotroie donc la liberté qui en découle. « J’ai labouré, labouré, j’ai planté les vignes. J’ai planté mon drapeau au centre et plutôt bien défendu mon espace. Aujourd’hui, Emmanuel Macron récolte les vendanges », avait-il déclaré à L’Opinion au mois d’avril.

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« Bayrou fait du Bayrou, je ne comprends pas que ça surprenne autant », lance à L’Express Jean-Luc Bennahmias, ancien vice-président du MoDem. « Faire du Bayrou », serait-ce comme faire du Montebourg pendant la première moitié du quinquennat Hollande? À savoir, indexer sa liberté de parole sur le poids politique qu’on estime avoir apporté au vainqueur de l’élection présidentielle?

La différence, c’est que politiquement, grâce aux législatives, Emmanuel Macron a les coudées beaucoup plus franches que son prédécesseur. Même si la vague est finalement moins forte qu’annoncée, le bloc LREM, peut faire fi de l’appui du MoDem pour voter les lois du gouvernement. Selon une information de RTL, une exfiltration de François Bayrou, à terme, serait même envisagée. Il reste à déterminer si le chef de l’Etat lui laissera le temps de concocter le premier texte phare du mandat, la fameuse « loi pour la confiance dans notre vie démocratique », selon le nouvel intitulé.

« D’abord, Macron n’est pas Hollande »

À La République en marche, on souhaite se vacciner à tout prix contre le syndrome de la fronde ou des « affaires » intempestives. Avec à l’esprit, en premier lieu, les vicissitudes du quinquennat précédent, dont les premières années ont vu les alliés écologistes ruer dans les brancards de la majorité socialiste. À ce stade, point trop de craintes: « D’abord, Emmanuel Macron n’est pas François Hollande », souligne pour L’Express un proche du chef de l’Etat. Comprendre, LREM ne se laissera pas gêner par des députés MoDem remuants et tapera du poing quand il le faudra.

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La commission nationale d’investiture du nouveau parti majoritaire, dirigée entre autres par Jean-Paul Delevoye et le sénateur François Patriat, avait adoubé autour de 80 candidats issus du mouvement de François Bayrou (qui ne comptait qu’un seul député sortant au sein de la législature finissante). Avec le secret espoir « qu’il n’en ressorte qu’une trentaine d’élus MoDem », reconnaît un parlementaire macroniste auprès de L’Express. Au total, 69 candidats du lot se sont retrouvés au second tour des élections législatives. De quoi leur assurer un groupe autonome non négligeable.

Au final, à l’échelle de la nouvelle Assemblée, ce succès est modeste. Et c’est tant mieux, estiment certains. « On ne peut pas avoir un coup de sang de Bayrou tous les quinze jours. Et puis vous savez, je suis sur le terrain pour soutenir des candidats MoDem, je peux vous dire que ce ne seront pas des députés frondeurs », observait vendredi un élu proche d’Emmanuel Macron. Quand on lui brandit le souvenir des élus d’Europe Écologie-Les Verts, si enthousiastes au moment de leur arrivée au Palais-Bourbon en 2012, la réponse est cinglante: « Oui mais eux, ils se sont conduits comme des veaux. »

La réduction du nombre de députés, la baguette magique

D’autres, au sein de LREM, prédisent que la majorité des élus MoDem « voudront la réussite du quinquennat. Ils ne seront pas tous les moines-soldats de Marielle de Sarnez et François Bayrou ». Le trésorier de leur parti, l’ex-sénateur du Val-de-Marne Jean-Jacques Jégou, ajoute que ces nouveaux députés « sont totalement extérieurs à ce qui est mis en cause » dans la gestion du MoDem.

Un ancien cadre ajoute deux éléments cruciaux qui minorent le potentiel de nuisance de ces alliés: « Il y a d’abord le fait que Macron compte réduire d’un tiers le nombre de députés. Ça va entraîner un redécoupage des circonscriptions. Donc tous les élus feront les bons élèves afin que la leur ne soit pas redessinée ou fusionnée, ou en tout cas éviter que leur siège ne disparaisse. Ensuite, si on ajoute les ‘constructifs’ des Républicains et les sociaux-libéraux du Parti socialiste, on aboutit à quelque chose d’énorme. À côté, le groupe MoDem, c’est peanuts. » Voilà qui est dit.

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Proche de François Bayrou, Jean-Jacques Jégou fut député UDF de 1986 à 2002. En connaisseur, il voit les problèmes venir d’ailleurs. Il raconte qu’à l’Assemblée nationale, dans les années 80-90, « les jeunes élus étaient souvent ‘parrainés’ par des ténors, qui leur expliquaient les rouages de la maison. Aujourd’hui, dans cette immense majorité parlementaire, les ténors se comptent sur les doigts d’une main. Nous sommes face à une armée de novices. Donc des figures vont forcément émerger. » L’avenir nous dira lesquelles.

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