Le 07 mars, 2016
Après Recep TAyyip Erdogan, c’est le président rwandais, Paul Kagamé, qui s’apprête à fouler le sol guinéen à partir de ce mardi 8 mars 2016, pour une visite officielle de deux jours. Symbole supplémentaire du regain de vitalité de la diplomatie guinéenne, cette première visite du chétif mais homme fort de Kigali en Guinée, sera l’occasion de jeter les bases d’une coopération bilatérale mutuellement fructueuse pour les deux pays. En tout cas, la partie guinéenne a au moins deux avantages à tirer de cette coopération en gestation. Ceci étant, le Rwanda a aussi sa face sombre dont la Guinée n’aurait aucun intérêt à s’inspirer.
La propriété, une culture citoyenne
Une des singularités rwandaises que la Guinée devrait s’empresser de s’approprier, c’est bien la politique de la salubrité publique. Tous ceux qui ont foulé le sol rwandais le notent avec emphase et éloges : Le Rwanda et sa capitale Kigali sont coquets. Pays de collines et fourni en végétation, le Rwanda a réussi à hisser la culture de la propriété et de l’assainissement au statut de valeurs citoyennes. Naturellement, tout cela est pris en compte par une politique d’urbanisation maîtrisée et qui obéit à des normes strictes et intériorisées par tous. Du coup, nulle part, on n’aperçoit des nappes d’eaux à l’odeur nauséabonde, de montagnes d’immondices avec des nuées de mouches géantes ou de déchets (peau de banane, sachets d’eau vide, mégots de cigarette, etc.) éparpillés le long de la chaussée ou à l’intérieur de quartiers mal lotis.
Le lotissement artistique
En fait, au Rwanda, la notion de lotissement a une consonance artistique. Pour ce qui est de l’assainissement, les Rwandais s’en chargent avec notamment une journée de nettoyage instituée chaque dernier samedi du mois. Ce jour, tous les citoyens de plus de 16 ans, prenant part à des travaux dits communautaires, de 8 heures à 10 heures, débroussaillent, nettoient les caniveaux et drainent les eaux de pluie vers les canalisations. L’autorité publique reposant sur une discipline citoyenne exemplaire, le mécanisme aboutit à l’image positive que le Rwanda renvoie au monde entier. Naturellement pour qui connait la situation de la capitale guinéenne, il y a bien de raisons de s’inspirer du cas rwandais. Encore qu’il faudra être prêt à en assumer les exigences.
Une réconciliation plutôt réussie
Un autre domaine dans lequel le Rwanda pourrait inspirer la Guinée, c’est bien celui de la réconciliation nationale. Ayant connu un horrible génocide en 1994, le pays a réussi, en un peu plus de 20 ans, à remettre la nation sur pied. Naturellement, tout n’est pas parfait. Mais au regard des atrocités que ce pays a enregistrées et la profondeur des fractures sociocommunautaires, le résultat obtenu relève du miracle. Pourvu que la suite soit menée avec à tact et souplesse, le Rwanda pourrait définitivement tourner la page sombre d’un massacre ethnique qui avait fait près d’un million de victimes. Vu qu’en Guinée, la question de la réconciliation, toujours balbutiante, suscite à la fois passion et appréhensions, on ne devrait pas se gêner de revisiter le chemin parcouru en la matière par les Rwandais.
Kagamé, président à vie et dictateur éclairé
Mais il ne faut pas non plus penser que le Rwanda n’a aucun défaut. Tout au contraire ! Il y a bien d’aspects que la Guinée n’a pas à copier chez nos amis rwandais. En premier, il y a la modification constitutionnelle à laquelle s’est dernièrement livré le président Paul Kagamé. Une mesure si égoïstement poussée à bout, qu’elle est spécifique à la personne de Kagamé, potentiellement présidentiable jusqu’en 2034. Ce volet-là, Alpha Condé n’a pas à le copier. Pour cela, il devra se rappeler le discours osé du premier président de la Cour constitutionnelle lors de son investiture, le 14 décembre 2015. La Guinée n’a pas non plus à s’inspirer du traitement que Kagamé réserve à son opposition, si persécutée qu’elle est contrainte à l’exil. C’est d’ailleurs la tâche la plus sombre du président du Rwanda. Assumant ce trait moins élogieux de sa gouvernance, ses partisans disent de lui qu’il est un dictateur éclairé. Un titre que le président Alpha Condé, jadis opposant historique, n’a certainement pas besoin d’ajouter à son tableau de chasse. Et Dieu seul sait que le peuple lui en sera éternellement reconnaissant.
Auteur: ledjely.com