FRONDE. Le Conseil national de l’ordre des architectes va saisir le préfet des Bouches-du-Rhône, après le choix de la ville de Marseille d’avoir recours à un PPP pour la réalisation de 34 groupes scolaires.
Les architectes ont, une nouvelle fois, décidé de taper du poing sur la table au sujet des PPP. Le Conseil régional de l’ordre des architectes de Paca (Croa-Paca), appuyé par le Conseil national, vient d’annoncer qu’il allait saisir le préfet des Bouches-du-Rhône pour annuler une délibération de la municipalité marseillaise datant du 16 octobre 2017. Celle-ci prévoit de recourir à un partenariat public-privé (PPP) pour un plan de renouvellement de 34 groupes scolaires d’un montant d’un milliard d’euros. Un choix qui constitue une « insulte à l’intelligence » pour Françoise Berthelot, présidente du Croa-Paca, contactée par Batiactu.
Un courrier en date du 13 décembre 2017 a été envoyé au maire de la ville, Jean-Claude Gaudin. Il est donc cosigné par le Cnoa, le Croa-Paca, mais aussi la Capeb, la fédération Cinov, le Syndicat des architectes local et le Syndicat national du second oeuvre (SNSO). « Le choix de recourir au marché de partenariat est regrettable », peut-on y lire. « D’une part, le contribuable va se trouver exposé au surcoût d’une telle initiative. […] La mise en conccurrence se trouve réduite à un très petit nombre de majors du BTP pouvant seuls prétendre à de tels marchés. » Les signataires demandent ainsi au maire de « renoncer au marché de partenariat en faveur d’une opération en maîtrise d’ouvrage publique conduite par la ville de Marseille ».
« Dans 25 ans, dans quel état seront ces écoles ? »
« Nous sommes garants de la qualité architecturale, c’est-à-dire en l’occurrence de la qualité de vie des enfants et des enseignants qui vivront dans ces écoles », ajoute Françoise Berthelot. « Ils méritent que l’on s’occupe d’eux avec une vision de long terme », affirme-t-elle. « Dans vingt-cinq ans, dans quel état seront ces écoles bâties en PPP ? Les travaux seront donnés à une grande entreprise qui sous-traitera peut-être le travail aux PME locales à des conditions intenables, voire même les en privera. Et les architectes qui vont oeuvrer sur ces bâtiments ne seront pas placés dans de bonnes conditions, avec des délais très courts, et une forme de standardisation dans la conception. »
La profession souhaiterait donc voir ce marché passer en loi Mop. « Elle permet le concours et garantit la qualité architecturale et l’innovation. Les murs d’une école ne doivent pas être montés dans l’urgence, sans un temps de réflexion nécessaire. Les écoles, cela représente l’avenir de nos enfants ! », ajoute Françoise Berthelot. L’un des arguments de la mairie de Marseille est celui de l’urgence qu’il y a à construire ces écoles. Ce à quoi le Croa répond que s’il y a urgence aujourd’hui, c’est parce que les décideurs n’ont pas été assez prévoyants. « Et aujourd’hui, la mairie risque de refaire la même erreur qu’avec les écoles GEEP dans les années 60 en agissant dans la hâte », regrette Françoise Berthelot. Ces mêmes écoles qui vont être remplacées aujourd’hui.
Pour le SNSO, les PPP ont le handicap d’être « trop gros pour rester honnêtes »
« Ce choix étrange est révélateur du piège dans lequel une collectivité peut succomber : négliger l’entretien des équipements publics par des choix budgétaires à courte vue jusqu’à un point de dégradation tel qu’elle décide d’en sortir par une solution encore plus ruineuse financièrement et désastreuse économiquement », affirme le Syndicat national du second oeuvre (SNSO) sur son site internet. « De surcroît, les PPP ne sont accessibles qu’à un quarteron d’opérateurs, vivant en bonne entente, qui privent corrélativement d’accès direct à la commande publique sur une longue période artisans, PME, ETI et entreprises spécialisées. De plus, les PPP supportent généralement le handicap d’être trop gros pour rester honnêtes. » Le SNSO milite également pour le recours à la loi Mop de 1985 qui a le mérite de « dissocier et articuler le rôle des intervenants à l’acte de construire ». Pour l’organisation, le PPP doit rester une exception. « Certains ouvrages d’une technicité particulière où la conception est indissociable de la réalisation justifient l’association et la globalisation de ces deux fonctions. »