Dans une interview, le président des Etats-Unis revient sur sa décision de ne pas frapper le régime syrien alors qu’il avait averti qu’il le ferait s’ils utilisaient des armes chimiques.
Moyen Orient
Publié le 10 Mars 2016
On s’en souvient. A l’été 2012, alors que la guerre civile en Syrie bat son plein, Barack Obama trace une « ligne rouge » dans le sable : si le régime de Bachar Assad utilise des armes chimiques contre les civils, les Etats-Unis, qui jusqu’à présent étaient restés en marge du conflit, réagiront. Et pourtant, en août 2013, Assad a dépassé la « ligne rouge » tracée par Obama avec le massacre de la Ghouta, qui a fait entre 350 et 1500 victimes civiles selon les estimations.
A l’époque, il le président des Etats-Unis déclare que « Nous devons nous rendre compte que lorsque plus de mille personnes sont tuées, y compris des centaines d’enfants innocents, avec une arme au sujet de laquelle 98 ou 99 pour-cent de l’humanité dit qu’on ne devrait jamais l’utiliser, même en guerre, s’il n’y a pas de réaction, nous envoyons un signal que nous ne comptons pas défendre cette norme de droit international. Et cela représenterait un danger pour la sécurité nationale des Etats-Unis. » Pendant une semaine, le gouvernement américain a lancé une campagne de relations publiques pour préparer le monde à l’idée de frappes.
Et, au dernier moment, Obama change d’avis.
Ce volte-face, alors qu’Obama a dit qu’il punirait le régime syrien–et donc mis en jeu la crédibilité des Etats-Unis–, alors que le régime massacrait des civils, a été un des moments les plus marquants–et les plus critiqués–de la présidence de Barack Obama. Selon de nombreux observateurs, il a aggravé la situation en remettant en jeu la crédibilité des Etats-Unis, et notamment en encouragant Vladimir Poutine à intervenir dans le conflit. Pourtant,dans un entretien accordé à Jeffrey Goldberg de The Atlantic, revenant sur cet épisode, Barack Obama assure : « Je suis très fier de ce moment. » Pour lui, intervenir dans le conflit syrien aurait été trop coûteux et aurait pu entraîner les Etats-Unis dans un engrenage.
Le président des Etats-Unis rajoute : « Il y avait tout le poids des idées reçues, toute la machine de notre administration de sécurité nationale. Pour tout le monde, ma crédibilité était en jeu, la crédibilité de l’Amérique était en jeu. Et donc je savais que je paierais un coût politique en appuyant sur pause. Et le fait que j’ai été capable de me sortir de toutes ces pressions de l’instant et de repenser ce qui était dans l’intérêt de l’Amérique […] était une des décisions les plus dures que j’aie eu à prendre. Et je crois qu’au bout du compte c’était la bonne décision. »
Pour Shadi Hamid, chercheur à la Brookings Institution (de gauche), Obama a « en pratique récompensé » Assad d’avoir utilisé des armes chimiques contre des civils, en faisant planer la menace pour ensuite ne pas la mettre à éxécution. Pour Gideon Rose, rédacteur-en-chef du magazine Foreign Affairs et un soutien d’Obama, la séquence représente « un cas d’école d’improvisation et d’amateurisme honteux. » Même Hillary Clinton aurait déclaré, en privé, « Si on a dit qu’on allait frapper, il faut frapper. Il n’y a pas le choix. » Obama, lui, est « très fier ».