Paris Match| Publié le 08/05/2018
La Rédaction avec AFP
Selon le président turc, il n’y a aucune différence entre l’Etat islamique et les quelque 300 personnalités françaises, dont Nicolas Sarkozy, qui ont signé le mois dernier un manifeste contre «le nouvel antisémitisme».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a étrillé mardi les quelque 300 personnalités françaises qui ont signé le mois dernier un retentissant manifeste « contre le nouvel antisémitisme » appelant notamment à rendre caducs des passages du Coran. « Nous voyons cela comme l’expression de leur ignorance », a lâché le président turc lors d’un discours à Ankara. « Il n’y a aucune différence entre vous et Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique) », a-t-il ajouté.
Dans le manifeste publié le 22 avril dans le journal Le Parisien, 300 signataires, dont l’ex-président Nicolas Sarkozy et trois anciens chefs de gouvernement, dénoncent un « nouvel antisémitisme » en France marqué selon eux par la « radicalisation islamiste ». Ils réclament notamment que « les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques (…) ». Ce manifeste, qui a aussi été signé par des intellectuels, des personnalités religieuses et des artistes comme Charles Aznavour ou Gérard Depardieu, a suscité une vive polémique en France et l’indignation de nombreux musulmans à travers le monde. « Qui êtes-vous pour utiliser pareil langage ? », a tonné M. Erdogan, qualifiant le manifeste d' »ignoble ».
Ce texte était passé relativement inaperçu en Turquie depuis sa publication il y a plus de deux semaines, jusqu’à ce que les dirigeants turcs, qui font campagne pour des élections anticipées le 24 juin, ne l’exhument au cours du week-end. En se posant en champion du combat contre l' »islamophobie », un rôle qu’il affectionne, M. Erdogan entraîne la bataille électorale sur un terrain sur lequel il est plus à l’aise que l’opposition laïque du Parti républicain du peuple (CHP).
Celui-ci a toutefois suivi le mouvement mardi par l’intermédiaire de son secrétaire général, Kemal Kiliçdaroglu. « Ce n’est pas le Saint Coran, mais vous qui êtes arriérés », a-t-il lancé aux signataires du manifeste.
« Je condamne ces personnes méprisables qui attaquent le Coran »
Le président turc s’emporte régulièrement contre ce qu’il qualifie d' »islamophobie rampante » en Europe, affirmant que son gouvernement faisait tout pour protéger la liberté et les lieux de culte en Turquie. « Notre attitude devrait servir de leçon (…) aux politiciens islamophobes en Europe, en particulier à Sarkozy », a lancé M. Erdogan, qui entretenait des rapports notoirement exécrables avec l’ex-chef d’Etat français (2007-2012). « Je me pose la question : les signataires de ce manifeste ont-ils lu leurs propres textes (sacrés) ? », a lancé M. Erdogan. « Si c’était le cas, ils voudraient sans doute interdire le Nouveau Testament », a-t-il ajouté, sous-entendant qu’il comportait des passages antisémites.
« S’ils souhaitent attirer l’attention sur le génocide des juifs, alors il leur suffit de se retourner et d’observer leur propre histoire », a de son côté commenté le Premier ministre Binali Yildirim. « Je condamne ces personnes méprisables qui attaquent le Coran », a-t-il ajouté.
Cette attaque verbale en règle survient sur fond de tensions entre Ankara et l’Occident, en particulier depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 en Turquie suivi d’une dégradation de la situation des droits de l’Homme.
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