Au Mali, le grand bluff des «tendances»

PRÉSIDENTIELLE
Ibrahim Boubacar KEITA - © Malick MBOW
Ibrahim Boubacar KEITA – © Malick MBOW
Par Célian Macé, envoyé spécial à Bamako — 

Au lendemain du premier tour de la présidentielle, plusieurs candidats ont revendiqué un succès… sans communiquer de résultats. L’administration a cinq jours pour proclamer les scores provisoires.

C’est une course de vitesse dans le brouillard. Vingt-quatre heures après le premier tour de l’élection présidentielle au Mali, les principaux candidats se sont empressés de convoquer des conférences de presse aussi tonitruantes que vaporeuses.

A Bamako, après la pluie vient le votant

Au même moment lundi après-midi, à moins de 200 mètres de distance, l’équipe du président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, et celle du candidat de l’opposition le plus en vue, Soumaïla Cissé, s’adressaient à la presse à ACI 2000, le quartier d’affaires de Bamako. Chez «IBK», le porte-parole Mahamadou Camara a indiqué que le chef de l’Etat était «largement en tête» du scrutin et «en bonne posture pour assurer sa succession». Du côté de Cissé, le directeur de la campagne, Tiébilé Dramé, a annoncé «être en mesure de dire qu’il y aura un second tour»pour son candidat : «Le projet du camp présidentiel, le « coup K.O. » [une victoire au premier tour], est déjà un échec », a-t-il affirmé.

Aucun des candidats n’avance le moindre résultat chiffré

Pour compliquer les choses, une heure plus tard, un troisième homme a aussi revendiqué un score suffisant pour rester en lice. «Notre présence au second tour ne fait aucun doute», a déclaré devant les journalistes un responsable de la campagne du riche homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo. «Si la tendance se confirme», a-t-il toutefois ajouté. C’est ici que l’affaire se corse. Tout est «tendances», car dans cette partie de poker menteur, aucun des candidats n’avance le moindre résultat chiffré. Et pour cause, les cellules de compilations des résultats mises en place par les différentes formations, à partir des chiffres envoyés par leurs délégués présents dans les bureaux de vote, n’avaient pas terminé leur travail lundi soir. «Nous en sommes environ à 40%» du processus de comptage, a précisé Tiébilé Dramé. Le directeur de campagne de Diallo évoque lui une progression de 60%, et regrette que certains médias maliens et candidats «aillent vite en besogne»

Pendant ce temps, le travail officiel de compilation par le gouvernement avance lentement. Le ministre de l’Administration territoriale a cinq jours pour proclamer les résultats, selon la loi électorale. D’ores et déjà, les candidats de l’opposition ont dénoncé des «bourrages d’urnes dans des localités du Nord» (le camp Cissé, qui demande un recomptage), et des perturbations «intentionnelles» du scrutin (le camp Diallo). Chacun brandit ses propres exemples de communes aux résultats apparemment aberrants.

Les autorités ont reconnu que le scrutin a été empêché dans 716 bureaux de vote (sur 23041). La mission d’observation électorale de l’Union européenne demande au gouvernement malien la liste détaillée. Attaques d’hommes en armes, urnes brûlées, menaces sur les agents électoraux… Les régions de Tombouctou et de Mopti, réputées davantage favorables à l’opposition, ont été particulièrement touchées. Cette insécurité a en partie été la cause de «la faible affluence», a expliqué lundi le Pool d’observation citoyenne du Mali, qui avait déployé 2 000 observateurs sur le terrain. D’après ses calculs, l’ONG prédit un taux de participation de seulement 37%.

Célian Macé envoyé spécial à Bamako

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