Un pont « n’est réparé que 22 ans après l’apparition des premières dégradations », d’après un rapport alarmant publié en mai.
GÊNES – Attristé mais surtout très en colère, le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini s’est emporté contre les concessions autoroutières italiennes, mardi 14 août, après l’effondrement d’une longue portion d’un viaduc à Gênes qui a causé la mort d’au moins une quarantaine de personnes. « Les responsables de ce désastre, avec leurs noms et leurs prénoms, devront payer, tout payer, payer cher », a-t-il écrit sur Twitter.
Au lendemain du drame, Salvini et le reste du gouvernement italien ont annoncé qu’ils envisageaient de révoquer la concession de la société Autostrade per l’Italia, gérant l’autoroute où se trouve le viaduc qui s’est effondré. Les autorités souhaitent en outre la démission des dirigeants de cette société et vont réclamer une amende pouvant atteindre 150 millions d’euros. Pour Luigi Di Maio, vice-Premier ministre, c’est clair: le pont « ne s’est pas écroulé par fatalité mais parce que la maintenance n’a pas été faite ».
En Italie comme ailleurs, cette tragédie, bien que rarissime, a mis en lumière l’importance cruciale d’un bon entretien des infrastructures routières. D’autant plus que l’immense pont Morandi de Gênes, de 1182 mètres de longueur et 45 mètres de hauteur, faisait l’objet ces dernières années d’une surveillance particulière et était la cible de nombreuses critiques.
Interrogée sur franceinfo ce mercredi 15 août, la ministre française des Transports, Elisabeth Borne, a souligné « l’importance » d’une surveillance des routes, ponts et tunnels français, et rappelé qu’elle planchait justement pour la rentrée sur un projet de loi de programmation des infrastructures.
Un audit juge l’état des routes françaises « préoccupant »
Prévu bien avant la catastrophe de Gênes, ce plan est forcément d’actualité au lendemain de la catastrophe. La ministre avait annoncé le 15 mai au Sénat le lancement prochain d’un « plan de sauvegarde des routes nationales » visant à rénover d’urgence les chaussées et les ouvrages d’art (ponts, tunnels..), après la remise d’un rapport d’audit mettant en évidence « l’état critique du réseau ». « Notre sous-investissement a été manifeste » avait-elle déploré, tout en estimant que « 50% des surfaces de chaussées sont à renouveler, alors que près d’un pont sur dix est en très mauvais état ».
7% des ponts français du réseau routier non concédé à des sociétés privées présentent à terme un risque d’effondrement »Audit gouvernemental
Le rapport d’audit, dont une synthèse a été mise en ligne sur le site du ministère de la Transition écologique, qui chapeaute les Transports, juge la dégradation des chaussées et des ouvrages d’art français « préoccupante ». Le réseau routier français non concédé à des sociétés privées, qui s’étend sur 12.000 km (s’ajoutant aux 9000 km d’autoroutes concédées), est qualifié de « vieillissant et dégradé ».
En moyenne, un pont « n’est réparé que 22 ans après l’apparition des premières dégradations » relève le document. 30% des 12.000 ponts que compte le réseau routier non concédé sont à réparer, et 7% d’entre eux présentent même un « risque d’effondrement » à terme.
Plus globalement, le rapport indique que 17% des routes nationales étaient gravement endommagées en métropole en 2016, contre 14% dix ans plus tôt, soit 2040 kilomètres au total. Si rien n’est fait, en 2037, 62% des chaussées seront « très dégradées », souligne le document, réalisé par deux sociétés de conseil spécialisées dans les infrastructures.
À l’origine des dégradations, les hivers rigoureux et les intempéries, qui provoquent l’arrachement des couches superficielles des routes, et un trafic élevé avec des pointes de trafic supérieures à 30.000 véhicules par jour sur certaines portions. « Si les voies ne sont pas réparées à temps, l’eau s’infiltre et attaque la structure de la chaussée », met en garde le document.
À terme, 1 milliard d’euros par an pour la modernisation des routes
En France, « tous les ponts font l’objet de visites annuelles et de visites plus détaillées tous les trois ans, qu’ils soient sur le réseau concédé ou non-concédé » a assuré Elisabeth Borne sur franceinfo ce mercredi. Un grand viaduc comme celui de Millau, « de conception beaucoup plus récente » comporte « beaucoup de capteurs », a-t-elle précisé. « L’entretien, c’est notre priorité, ça se traduit dès le budget 2018 et ça se traduira pendant plusieurs années ».
Le plan infrastructures présenté à la rentrée vise à dépenser un milliard d’euros par an pour l’entretien et la modernisation des routes, contre 800 millions en 2018. Il devrait « comporter des objectifs quantitatifs d’amélioration du réseau routier » fixés tous les cinq ans, avait dit Elisabeth Borne devant les sénateurs. Le rapport gouvernemental, lui, estime à 1,3 milliard d’euros en moyenne par an les dépenses annuelles à prévoir pour l’entretien et la remise en état du réseau.
La ministre avait indiqué fin mai qu’elle envisageait une « vignette temporelle », au jour, à la semaine, au mois ou à l’année, pour que les transporteurs routiers contribuent au financement des infrastructures. Mais en avril, deux fédérations d’entreprises de transports, la FNTR et TLF, avaient rappelé leur « refus strict de toute contribution supplémentaire, quelle que soit la forme de la taxation ».
Comme le rappelle Le Parisien, le dernier incident en relation avec les infrastructures routières en France remonte au 15 mai. Ce jour-là, un mur de soutènement du viaduc de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), sur l’A15, s’effondre au niveau de la commune d’Argenteuil. Aucune victime heureusement, mais l’autoroute a dû être fermée, entraînant une grosse pagaille pour les automobilistes.