Le divorce entre le patron d’Amazon et sa femme pourrait être le plus cher de l’histoire. Pendant qu’il négocie, ses ennemis fourbissent leurs armes.
De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière
Modifié le 16/01/2019
Pendant ses 25 ans de mariage, elle a le plus souvent fui les projecteurs, restant en retrait, donnant peu d’interviews… Mais, depuis quelques jours, MacKenzie Bezos, la femme de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et l’homme le plus riche du monde, s’est retrouvée propulsée au rang de célébrité people. Le couple a en effet annoncé qu’il divorçait, et les spéculations vont bon train sur la division de la colossale fortune évaluée à 137 milliards de dollars.
La discrète MacKenzie Bezos, 48 ans, a beaucoup participé aux débuts d’Amazon. La légende raconte que c’est elle qui conduisait la voiture lorsque le couple a quitté New York pour aller fonder Amazon à Seattle, en 1994. Pendant le voyage, Jeff concoctait son modèle de start-up sur le siège passager. Elle a joué les comptables, a participé au choix du nom du groupe, a négocié les premiers contrats de fret, et l’a aidé à faire grandir Amazon d’un vendeur de livres en ligne à un géant de la distribution. « J’étais là quand il a écrit son business plan, et j’ai travaillé avec lui et avec beaucoup d’autres […] dans le garage converti en bureau, le placard du sous-sol en entrepôt, les bureaux qui sentaient le barbecue, les centres de distribution en plein rush à Noël… dans les premières années de l’histoire d’Amazon », écrit MacKenzie Bezos lorsqu’elle se fend d’une critique pour éreinter un livre sur son mari intitulé « The Everything Store: Jeff Bezos and the Age of Amazon ». La critique est bien sûr publiée sur le site d’Amazon.
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« Jeff, c’est mon opposé »
Le couple s’est rencontré chez D. E. Shaw, un fonds spéculatif new-yorkais dont Jeff Bezos était vice-président. MacKenzie a raconté dans une interview au magazine Vogue que c’était la première personne avec laquelle elle avait eu un entretien d’embauche. Elle était candidate à un travail administratif alimentaire, qui lui permettrait d’écrire des romans. C’est le rire de son futur époux qui l’a séduite. « Mon bureau était à côté du sien, et toute la journée, j’entendais son rire fabuleux, a-t-elle confié. Comment ne pas tomber amoureuse de ce rire ? » Ils se sont mariés en 1993.
D’elle, on sait peu de choses. Elle a toujours aimé écrire. À Princeton, elle a étudié sous l’égide de Toni Morrison, la lauréate du prix Nobel de littérature, qui est devenue son mentor et l’a embauchée comme assistante de recherche pour son roman Jazz, avant de lui présenter son agent littéraire. « C’est l’une des meilleures étudiantes que j’aie jamais eue dans ma classe d’écriture », affirme dans Vogue Toni Morrison.
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Elle a pris ses distances avec Amazon, lorsque le groupe a commencé à décoller, pour s’occuper de leurs quatre enfants. Et poursuivre son rêve d’écriture. Elle a mis dix ans à rédiger son premier roman, tout en s’occupant de ses enfants. The Testing of Luther Albright, publié en 2005, raconte l’histoire d’un ingénieur dont la vie est chamboulée après un tremblement de terre. Traps, son second livre publié en 2013, parle d’une vedette de cinéma recluse qui s’en prend à son père qui monnaie des anecdotes sur sa vie. Malgré de bonnes critiques, ses livres ne se sont vendus qu’à quelques milliers d’exemplaires. Peut-être parce que certaines librairies, furieuses du monopole grandissant d’Amazon, ont refusé de les distribuer.
Au fil des années, MacKenzie Bezos est apparue de temps en temps au bras de son mari dans quelques soirées mondaines, comme celle pour les Oscars de Vanity Fair. Mais les réceptions, ce n’est pas son genre. « Jeff, c’est mon opposé, raconte-t-elle dans Vogue. Il aime rencontrer des gens. C’est un type très sociable. Moi, les cocktails me rendent nerveuse. »
Messages obscènes et selfies érotiques
Le divorce se fera à l’amiable, si l’on en croit le texte cosigné par le couple et posté sur Twitter, annonçant « un nouveau développement dans nos vies » : « Après une période d’exploration amoureuse et un essai de séparation, nous avons décidé de divorcer et de continuer nos vies communes comme amis », dit le communiqué. « Nous avons eu une belle vie ensemble, quand nous étions mariés, et nous voyons aussi un avenir merveilleux devant nous, en tant que parents, amis, partenaires… »
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En fait, les Bezos ont publié ce communiqué, car le National Enquirers’apprêtait à révéler la liaison entre Jeff Bezos et Lauren Sanchez, une présentatrice de télévision et pilote d’avion, mariée à un agent artistique, qui dirige une société d’images aériennes. Le nouveau couple participait récemment à une soirée pour les Golden Globes. Le tabloïd les a suivis « en jet privé, limousine chic, dans leurs balades en hélicoptère, promenades romantiques, séjours en hôtel cinq étoiles, dîners et nids d’amour cachés ». Le journal affirme également être en possession de « messages obscènes et de selfies érotiques », dont des photos « si choquantes que nous n’osons pas les imprimer ». Il dévoile néanmoins certains messages échangés entre les deux tourtereaux : « Je t’aime, fille pleine de vie. Je te le montrerai très vite avec mon corps, et mes lèvres et mes yeux », écrit Jeff Bezos dans un style qui, sur Amazon, le classerait dans la catégorie sous-Harlequin. « Je veux te sentir, je veux te respirer, je veux te tenir serrée contre moi… Je veux embrasser tes lèvres… Je t’aime ». Des sources proches du couple affirment que cette liaison aurait commencé alors que Jeff et sa femme étaient déjà séparés.
Lauren Sanchez, ici en 2012, est le nouvel amour dans la vie de Jeff Bezos.
© AR4/WENN.COM/SIPA
Vengeance politique ?
Évidemment, les esprits chagrins ont vu dans ces révélations une vengeance politique. En effet, Donald Trump déteste Jeff Bezos et Amazon, à qui il a essayé d’imposer une hausse des tarifs postaux. Il s’en prend très souvent à lui, ainsi qu’à son journal, le Washington Post. Le président américain est également un proche de David Pecker, le patron du National Enquirer, qui, avant la campagne présidentielle, avait offert d’acheter des témoignages négatifs qui auraient pu gêner Donald Trump pour les étouffer. David Pecker a notamment payé 150 000 dollars à l’ex-mannequin de PlayBoy Karen McDougal en échange des droits exclusifs de l’histoire de sa liaison avec Trump, qu’il n’a évidemment jamais publiée.
Récemment, Donald Trump s’est aussi moqué de Bezos dans un tweet, l’appelant « Jeff Bozo » : « Désolé d’entendre la nouvelle sur Jeff Bozo mis à mal par un concurrent dont le travail journalistique, d’après ce que je comprends, est de loin plus exact que celui de son journal de lobbyiste, le Amazon Washington Post », écrit-il en louant le National Enquirer. « J’espère que le quotidien passera bientôt dans de meilleures mains et plus responsables ! »
So sorry to hear the news about Jeff Bozo being taken down by a competitor whose reporting, I understand, is far more accurate than the reporting in his lobbyist newspaper, the Amazon Washington Post. Hopefully the paper will soon be placed in better & more responsible hands!
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Critiques
La fortune de Jeff Bezos, évaluée à 137 milliards de dollars, suscite forcément les inimitiés, mais aussi l’inquiétude des milieux économiques. Personne ne connaît les détails du contrat de mariage qui unissait Jeff et MacKenzie Bezos, mais, selon la loi de l’État de Washington où ils vivent, l’épouse pourrait recevoir la moitié de la fortune, ce qui obligerait le patron à vendre une partie de ses titres Amazon et diluerait son contrôle sur le groupe. On n’en arrivera sans doute pas là, puisqu’ils se quittent apparemment en bons termes. Mais MacKenzie peut être assurée de devenir l’une des femmes les plus riches des États-Unis, devançant sûrement Alice Watson, héritière de l’empire Walmart, à la tête, selon Forbes, de 46 milliards de dollars.
Cette séparation survient à un moment critique pour Amazon, accusé d’empêcher les syndicats, de ne pas bien traiter ses employés, d’avoir mené un lobbying intense pour faire capoter une loi à Seattle qui aurait imposé une taxe pour créer des logements sociaux et aider les sans-abri… Les Bezos sont aussi au cœur des critiques en raison de leur manque de générosité en faveur des plus démunis. L’an dernier, ils ont fini par annoncer la création d’un fonds de 2 milliards de dollars pour aider les sans-abri et lancer un réseau de maternelles pour les communautés défavorisées. MacKenzie Bezos a créé, quant à elle, un groupe contre le harcèlement scolaire.
En attendant qu’il soit prononcé, leur divorce est une source sans fin de plaisanteries sur la twittosphère. « Jeff Bezos divorce après avoir réalisé que le mariage compte comme une union », écrit un plaisantin (union en anglais est un syndicat).
Jeff Bezos is getting divorced after realizing that marriage counts as a union.
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« Le divorce ne prendra que deux jours, car il est abonné à Amazon Prime », s’amuse un autre. « Premiers détails sur l’accord de divorce de Jeff Bezos : il obtient l’hémisphère ouest et elle garde l’hémisphère est. »
Early details of Jeff Bezo’s divorce settlement, he gets the Western and she gets the Eastern Hemisphere of Earth. #BezosDivorce #amazon