Syrie : et si Vladimir Poutine avait raison ?

 

Vladimir POUTINE - © Malick MBOW
Vladimir POUTINE – © Malick MBOW

Olivier Ravanello

Le Monde selon Ravanello

1 avril 2016

C’est la une de Marianne. Et si sur la Syrie Poutine avait raison ? A une mauvaise question, essayons d’apporter une pas trop mauvaise réponse.

On sentait le débat venir. Avec la reprise de Palmyre, il est devenu inévitable. Super Poutine est meilleur que nous parce que lui n’a pas de complexe, il est pragmatique, martèle François Fillon dans les colonnes de Marianne, confondant la méthode avec un objectif stratégique.

Prenons les choses dans l’ordre

Oui, Poutine avait et a raison militairement, tactiquement. Pas besoin d’être très malin (ce qui est mon cas) pour l’avoir compris et écrit dans ce blog il y a déjà plus de 6 mois. Ce n’est pas en bombardant (et seulement en bombardant) qu’on reconquiert du terrain.

Il faut des hommes au sol qui une fois les bombes lâchées avancent et prennent immeuble par immeuble, rue par rue le contrôle d’une ville, d’un terrain d’une position. C’était l’ambiguïté de départ de la stratégie américaine et française. « Surtout ne pas envoyer d’hommes au sol ». Ca ne pouvait pas marcher. S’imaginer qu’une Armée de Libération (ALS) en lambeau ou des dizaines de groupes rebelles rivaux allaient pouvoir mener des offensives coordonnées était ridicule.

Oui Poutine a montré sur ce terrain qu’il savait faire la guerre mieux que nous. Ceci dit, on rappellera à tous ceux, notamment les députés qui n’ont que du Assad dans la bouche, que ce ne sont pas les troupes syriennes qui ont fait basculer la bataille de Palmyre. Elles avaient détalé de la ville en deux temps trois mouvements lors de l’offensive de l’état Islamique. Les soldats qui ont fait la différence dans la contre-offensive, ce sont les milices chiites du Hezbollah, les Gardiens de la Révolution iraniens et les forces spéciales russes, qui ont ensuite laissé les soldats syriens poser sur la photo pour des raisons politiques évidentes. Ce qui nous amène au deuxième point.

Non, Vladimir Poutine n’a pas raison

Poutine avait-il et a-t-il politiquement raison ? Pour moi non. Il n’avait pas raison de soutenir un régime qui a répondu à des manifestations par des massacres et une répression aveugle. Un régime qui a joué un double jeu avec l’EI pendant longtemps. Un président qui continue de penser qu’au moins les deux tiers de ses citoyens sont ses ennemis et qui reste prêt à leur faire payer au prix du sang les rébellions.

Poutine n’a pas non plus aujourd’hui raison de soutenir Assad, car imaginer que cet homme puisse encore diriger la Syrie est illusoire. Les 4 millions de syriens qui ont fuit le pays ne reviendront pas vivre dans un pays dirigé par un homme et un clan qui avant les terrifiait, et qui depuis la guerre s’est transformé en bourreau. Au passage, les élus français qui laissent entendre que de renouer avec Assad nous permettrait de résoudre le problème des réfugiés est une absurdité. Il suffit de lire les témoignages des hommes et des femmes qui arrivent chez nous (@iamwiththem) pour comprendre qu’ils ne retourneront jamais dans les bras d’Assad.

L’idée d’une fédération fait alors son chemin. Là aussi, attention. Une fédération syrienne c’est aller vers un État Assad, un État Kurde (ce qui engagerait une crise avec La Turquie) et un Etat islamique sunnite créé de fait. Est-ce vraiment ce que l’on souhaite ?

Une série d’erreurs coupables

La dynamique militaire qui donne raison à Poutine ne prouve pas qu’il ait politiquement raison. C’est mélanger comme le fait Fillon entre autre la fin et les moyens. La « fin », l’objectif de la France et des Etats-Unis était et reste juste : permettre à un pays de se débarrasser d’une dictature pour aller vers une démocratie. En revanche, dans la manière d’y parvenir, il faut admettre une série d’erreurs coupables.

Soutenir une opposition composée d’une myriade de petits partis représentatifs que d’eux même, et s’imaginer qu’elle allait bâtir la Syrie de demain depuis Paris ou Istanbul était ridicule et la diplomatie française en porte une grande responsabilité.

Ne pas avoir bombardé le régime quand cela était possible a été lâche et c’est le fait d’Obama. Avoir trop cédé à l’Arabie saoudite qui poursuit en Syrie un agenda personnel qui n’a rien de démocratique a été une marque de faiblesse contre-productive de la part de la France comme des Américains.

Il n’en reste pas moins vrai qu’accréditer l’idée qu’on aurait dû laisser Assad tranquille et qu’on devrait aujourd’hui être content qu’il soit encore au pouvoir serait un renoncement à ce que nous sommes. La diplomatie De Gaulle était pragmatique, mais capituler et renoncer à ce qu’est la France est contraire à son héritage.

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